Le déconfinement des prisons n’est pas sans inquiéter le milieu des services correctionnels. Un syndicat d’agents de la paix demande à Québec de «mettre ses culottes» en imposant le port du masque dans les salles communes et les couloirs des prisons.
L’activité derrière les barreaux se mettait en marche lundi. Le plan du ministère de la Sécurité publique exige notamment le port d’une visière chez les agents correctionnels.
Or, ce même document n’exige pas des détenus qu’ils portent un couvre-visage. La pratique est plutôt «fortement recommandée». Un non-sens, selon le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN).
«On impose le masque à la population entière dans tous les lieux publics fermés. Quel raisonnement tordu amène le MSP à conclure que les corridors et les salles communes d’un établissement de détention ne sont pas des lieux publics fermés?», s’interroge dans un communiqué de presse le président de l’unité syndicale, Mathieu Lavoie.
Selon le syndicaliste, il s’agit là d’un «manque de courage politique». «Je pense qu’on aurait pu l’imposer. […] Il peut y avoir des conséquences à ne pas respecter les règles», suggère-t-il en entrevue avec Métro.
Rejoint lundi, le ministère de la Sécurité publique (MSP) soutient que les pratiques mises en place depuis le début de la pandémie ont porté fruit.
«Jusqu’à présent ces mesures semblent efficaces puisqu’en date d’aujourd’hui une seule personne atteinte de la COVID-19 est incarcérée dans un établissement de détention», avance dans une réponse écrite la direction des communications du MSP.
La prison de Bordeaux à l’abri?
Au plus fort de la pandémie, la prison de Bordeaux, un centre correctionnel montréalais abritant plus de 800 détenus, avait rapporté tout près de 100 cas de COVID-19. Un septuagénaire était d’ailleurs mort sur les lieux après avoir refusé une intubation.
Depuis, l’établissement montréalais semble avoir contrôlé la transmission. Le nombre de cas confirmé s’y est arrêté à 96.
La Fédération des employées et employés des services publics (FEESP-CSN) craint tout de même une reprise des éclosions. D’après sa présidente, Nathalie Arguin, l’arrivée potentielle d’une deuxième vague de la COVID-19 suscite des interrogations sur la «pertinence de précipiter le déconfinement».
«Nous avons vu à Bordeaux ce qui se produit quand la maladie s’introduit dans un établissement de détention», signale-t-elle.
«La question n’est pas de savoir s’il va y avoir une deuxième vague, mais quand elle va arriver, avance pour sa part Mathieu Lavoie. On met les 17 établissements dans un boulier et on pige.»
«Il était temps»
Caroline*, la conjointe d’un détenu de Bordeaux interrogée lundi, se dit satisfaite du déconfinement graduel, lequel permettra en temps et lieu des visites en personne. «Il était vraiment temps. C’est dur pour les détenus et les familles. Mon conjoint, je l’ai vu deux fois par visioconférence», souligne-t-elle.
Selon elle, «il y a beaucoup de tension à la prison de Bordeaux».
«C’est l’enfer», ajoute celle dont le conjoint faisait partie des 96 détenus précédemment infectés à la COVID-19.
*Prénom fictif