La loi fédérale sur la taxe carbone qui impose un prix national sur la pollution est constitutionnelle, tranche la Cour suprême du Canada dans une décision rendue publique jeudi.
Adoptée en 2018, la Loi exige des provinces et des territoires qu’ils mettent en œuvre des systèmes de tarification des gaz carboniques au plus tard le 1er janvier 2019 ou qu’ils adoptent un système imposé par le gouvernement fédéral.
La Colombie-Britannique et le Québec n’y sont pas soumis parce qu’ils ont eux-mêmes fait ce choix depuis longtemps. Ce n’est toutefois pas le cas de l’Alberta, l’Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.
Contestée par trois provinces
L’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario qui avaient contesté la constitutionnalité de la loi devront donc s’y conformer.
Les trois provinces dirigées par des conservateurs ont plaidé avoir leurs propres politiques climatiques, adaptées à leur propre situation. Elles ont également soutenu avoir compétence en matière de ressources naturelles.
Pour sa part, le gouvernement fédéral a soutenu avoir le pouvoir de traiter des questions d’interêt national. Il a également fait valoir que la loi était un «filet de sécurité» visant à garantir des normes minimales de tarification du carbone partout au pays.
L’inaction d’une province pouvait réduire les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’une autre, avaient noté les avocats d’Ottawa, soutenus par ceux de la Colombie-Britannique.
Le Québec, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick appuyaient les provinces contestant la loi fédérale. En effet, le gouvernement de François Legault s’oppose à tout empiétement du fédéral dans les champs de compétence des provinces.
Loi constitutionnelle
Une majorité de six magistrats de la Cour suprême ont finalement tranché en faveur des arguments d’Ottawa, soutenant que le gouvernement fédéral avait compétence pour adopter une telle loi qui établit un montant à payer à l’égard du carbone.
«Les changements climatiques sont réels», ont déclaré les juges majoritaires dans le jugement signé par le juge en chef Richard Wagner. Ils ont souligné la menace du réchauffement planétaire qui cause des dommages au‑delà des frontières provinciales.
Dans ce contexte, l’enjeu est d’intérêt national en vertu de la disposition de la Constitution sur «la paix, l’ordre et le bon gouvernement». Les juges majoritaires défendent donc la taxe carbone comme une mesure essentielle dans l’arsenal disponible pour cette lutte.
D’ailleurs, ils ont souligné que la Loi s’applique uniquement si les systèmes provinciaux ou territoriaux de tarification ne sont pas suffisamment stricts pour réduire le réchauffement planétaire.
Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, des pays de partout dans le monde se sont engagés à réduire de façon radicale leurs émissions de gaz à effet de serre. Au Canada, le gouvernement fédéral a adopté la Loi pour mettre en œuvre ses engagements.
La taxe prévue à 40 $ la tonne pour 2021, le gouvernement fédéral a annoncé en décembre qu’elle augmenterait de manière plus importante pour atteindre 170 $ la tonne en 2030.
Réactions à la décision
Le gouvernement du Québec a accueilli «avec déception» le jugement et dit vouloir prendre le temps de prendre connaissance des détails de la décision de la Cour avant de commenter davantage.
«Le Québec a toujours été un leader en matière de lutte contre les changements climatiques et continuera de défendre son marché du carbone avec la Californie», a déclaré le ministre responsable de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoît Charette.
Il invite d’ailleurs les provinces canadiennes qui ne souhaitent pas se soumettre à la taxe fédérale sur le carbone à joindre ce marché.
Le chef du Parti conservateurs du Canada, Erin O’Toole, a manifesté une fois de plus son désaccord envers la Loi fédérale. S’il est élu, M. O’Toole compte abroger la taxe sur le carbone de Justin Trudeau, a-t-il déclaré. «Nous protégerons l’environnement et lutterons contre la réalité du changement climatique, mais nous ne le ferons pas en obligeant les plus pauvres à payer davantage», a-t-il ajouté.
Pour sa part, le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont salué la décision de la Cour suprême du Canada. «Nous nous félicitons de la décision de la Cour suprême, mais les Canadiens sont toujours préoccupés par la crise climatique et le manque d’action significative de la part du gouvernement libéral», a affirmé la porte-parole du NPD en matière d’environnement et de changement climatique, Laurel Collins.
Les néo-démocrates reprochent aux Libéraux de ne pas être sur la bonne voie pour atteindre leurs «faibles objectifs actuels». Selon eux, mettre un prix sur la pollution est important, mais n’est pas suffisant.
L’Association canadienne de santé publique (ACSP) a accueilli favorablement la nouvelle. «Nous sommes satisfaits de la décision de la Cour, qui confirme le rôle du gouvernement fédéral dans la protection de la santé de la population canadienne. Tous les ordres de gouvernement doivent agir de concert pour prévenir les effets négatifs de la pollution causée par le carbone sur la santé», a indiqué le directeur général de l’ACSP, Ian Culbert.