Quiconque vivait au Québec au printemps 2012 se souvient du raz-de-marée militant ayant envahi les rues de l’époque. D’abord quelques centaines, ensuite milliers, voire dizaines d’étudiant.es. À s’enfarger dedans.
La réponse du gouvernement Charest est alors digne de celles de petits boss (des bécosses) : montrer ses biceps, à grands coups de flics anti-émeute et, surtout, de lois spéciales. La loi 12 alors adoptée est, disons-le franchement, d’un spectaculaire stratosphérique.
D’abord, en prévoyant elle-même son auto-abrogation imminente, empêchant ainsi une contestation constitutionnelle au fond.
Secundo, en permettant aux flics de fouiller, sans mandats, les comptes de réseaux sociaux de quiconque organisant ou participant à une manif.
Ensuite, en créant l’obligation d’un itinéraire, accompagnée d’infractions pour quiconque omettant de dissuader tout dissident potentiel. Crime par omission, donc, pour lequel on imagine bien le dernier du peloton de crier (comme un perdu) à GND : « À GAUCHE, IMBÉCILE… À GAUCHE!!!».
Quatro, en interdisant initialement les rassemblements de plus de 25 personnes, wet dream de tout policier pouvant ainsi déclarer la manif illégale. Conséquences ? Balancer les rébarbatifs dans le panier à salade, poivrer les dissidents et mitrailler de contraventions (inconstitutionnelles) monsieur ou madame s’étant joints, à coups de casseroles, à la révolte (devenue) populaire.
Puis, en décernant des amendes variant de 7 000 à 35 000$ pour les leaders étudiants (allô, suis-je bien au bureau des prêts et bourses), et de 25 000 à 125 000$ pour leurs assos.
La meilleure, enfin, pour le dessert : en assurant à la ministre en charge la possibilité d’apporter des « adaptations » à toute autre loi québécoise si, à son seul jugement, celle-ci devait entraver l’application de ladite loi 12. Une membre de l’Exécutif, donc, ayant maintenant dans sa besace le pouvoir, magique, de renverser unilatéralement les décisions de l’ensemble de l’Assemblée nationale. De toute beauté. Question, d’ailleurs : combien d’avocat.es-député.es ont voté une telle disposition, soit l’article 9 de la loi?
Quoiqu’il en soit, et pas besoin de vous faire un dessin, l’adoption de celle-ci avait joyeusement fait grimper dans les rideaux tout juriste-démocrate qui se respecte.
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Retour vers le futur. Printemps 2021. Depuis bientôt un an, des milliers d’hurluberlus envahissent occasionnellement les rues québécoises ayant, comme principal leitmotiv, la lutte aux mesures sanitaires. Celles-ci relèveraient d’un obscur complot patenté avec le gars des vues, assimilant maintenant Québec aux pires régimes sinon dictatoriaux, au moins liberticides – nos excuses ainsi aux familles et proches des victimes de ces mêmes régimes, nos bozos-polyglottes confondant probablement ici Dachau et Dollard-Des-Ormeaux.
Cette lutte aux mesures fascisantes (merci à Maxime Bernier pour l’expression – à titre d’ancien ministre des Affaires étrangères d’Harper dans l’affaire Kahdr, il s’y connait) leur procurerait ainsi l’doua de bloquer des ponts-tunnels, de contrevenir aux règles sanitaires en se promenant main dans la main, sans masques, de s’échanger des clopes et de se postillonner en pleine face mais surtout, d’annuler une journée vaccination au Stade olympique, qualifiant ce dernier « d’abattoir humain », et intimidant dès lors le personnel médical à bout de souffle, notamment du fait d’avoir soigné, depuis plus de 15 mois, ces fêlés du bocal en manque simultané de neurones et d’empathie.
Le tout, on l’a vu, devant l’air hagard, parfois complice, de policiers-pissous en train de faire dans leur culotte devant neuf zigotos armés d’un drapeau de la révolte de 1837-1838 – nos excuses, ici encore, aux familles et aux proches de ces mêmes patriotes pendus –, nos bozos-culturés confondant probablement ici Samuel Grenier et Delorimier.
Selon le Larousse, l’expression « deux poids deux mesures » se décrit, essentiellement, comme suit : « juger différemment d’une même chose, selon la diversité des intérêts, des circonstances. » Si les circonstances sont, ici, aggravées par un cadre pandémique grave, reste donc la question des intérêts. Qui, ici, a intérêt à épargner ces zigotos-militants-violant-la-règle-de-droit-et-gâchant-nos-efforts-collectifs autrement que pour des mobiles électoraux?