Les membres du personnel de la santé de l’hôpital de Joliette qui témoignaient au troisième jour de l’enquête publique visant à démystifier les circonstances entourant le décès de Joyce Echaquan affirment n’avoir jamais été témoin d’incidents racistes envers la communauté autochtone.
Tour à tour, la médecin à l’urgence Mahée Boisvert, le gastro-entérologue Jean-Philippe Blais, ainsi que trois infirmières en poste la veille de la mort de Joyce Echaquan ont été questionnés lundi au palais de justice de Trois-Rivières.
Tous ont déclaré n’avoir jamais entendu de commentaires racistes de la part de collègues envers un patient atikamekw avant le visionnement de la vidéo diffusée en direct sur Facebook par Mme Echaquan.
«J’étais surprise et choquée. Je ne voyais pas comment, dans un milieu de soins, mes collègues avaient pu tenir de tels propos», a déclaré à la barre une des infirmières dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication.
Celle-ci a également souligné ne pas avoir eu connaissance de commentaires désobligeants au sujet de Joyce Echaquan durant son quart de travail le 27 septembre 2020.
La coroner réclame l’honnêteté
Étonnée par le fait qu’aucun témoin employé de l’hôpital de Joliette n’ait entendu des propos racistes, la coroner Géhane Kamel qui préside l’enquête publique est intervenue.
«Puisque ça à l’air d’être le meilleur des mondes à l’hôpital de Joliette et que personne ne parle de personne dans ce merveilleux milieu, est-ce que vous avez été surprise de voir qu’une formation obligatoire de trois heures soit donnée à tous?», a-t-elle demandé en faisant référence à la capsule vidéo dont le visionnement a été imposé au personnel à la suite du décès.
L’infirmière a répondu qu’une formation était toujours utile afin d’améliorer les soins.
«Je le dis pour les prochains jours: je préfère que les gens me disent franchement et honnêtement. […] Ce n’est pas un procès qu’on est en train de faire! On veut faire la lumière sur ce qui s’est passé», a ajouté la coroner.
Une autre infirmière a soutenu n’avoir jamais reparlé ni de la mort de Joyce Echaquan ni des propos tenus dans la vidéo avec des collègues par la suite. «C’était assez de les entendre, a-t-elle dit. On trouve juste ça incompréhensible.»
Selon la troisième infirmière, le sujet était tabou. Des membres de la direction lui auraient même demandé de ne pas en parler.
Les appréhensions de Joyce Echaquan
Plus de sept mois après la tragédie, les audiences publiques se sont ouvertes jeudi dernier avec le témoignage des proches et des membres de la famille de Joyce Echaquan.
Ceux-ci ont tous relaté que Joyce Echaquan avait peur d’aller à l’hôpital de Joliette, où elle se rendait régulièrement à cause de problèmes de santé.
Selon le conjoint de la défunte, Carol Dubé, ses appréhensions étaient causées par des mauvaises expériences, notamment des pressions du personnel médical pour se faire avorter à trois reprises.
La mère de Joyce Echaquan, Diane Dubé, a raconté que sa fille parlait «beaucoup» de sa peur d’aller à l’hôpital. «Elle disait “maman, je suis malade, mais j’ai peur d’aller à l’hôpital”», a-t-elle témoigné.
Selon la fille de Joyce Echaquan, Maria Wasianna Echaquan Dubé, certains membres du personnel de l’hôpital n’étaient pas attentifs au fait qu’elle avait de la douleur. «Il y en a qui étaient à l’écoute, mais d’autres qui ne l’étaient pas», a-t-elle dit.
Pendant quatre jours cette semaine, pas moins de 12 infirmières et trois préposées aux bénéficiaires, entre autres, vont venir témoigner. Les audiences publiques de cette enquête se tiennent jusqu’au 2 juin.