À deux jours de la date butoir, Christian Dubé veut «protéger le réseau de la santé de tous les Québécois» et a décidé de retarder l’échéance de 30 jours, soit le 15 novembre pour la vaccination obligatoire des travailleurs de la Santé.
«Ça serait irresponsable de jouer aux dés avec la santé des Québécois», a déclaré le ministre Dubé lors de sa conférence de presse. Le ministre concède avoir «mal dormi» ces trois derniers jours au vu de l’échéance arrivante et les réductions de services qui se seraient réalisées en cas de suspension des travailleurs de la santé non vaccinées au 15 octobre. «Nous avons étudié plusieurs scénarios, et tous sont trop lourds. Si on continue comme cela, on fonce dans le mur. J’ai le mandat de protéger le réseau de la santé.»
Le ministre de la santé explique avoir pris sa décision à l’issue de rencontres sur le terrain. Au 15 octobre, si le décret était appliqué cela aurait eu comme conséquence de mettre une pression accrue sur les travailleurs de la santé vaccinés et encore en poste. «En tant que ministre de la Santé, je me dois d’ajouter du personnel, pas en soustraire.»
On veut donner une dernière chance aux non vaccinés. Nous vous tendons la main et on espère que vous allez la saisir. Faites le pour vous, vos proches et vos collègues
Christian Dubé, Ministre de la Santé
La répartition des forces manquantes est disparate sur le territoire. «Chaque région a ses réalités comme en Abitibi où l’enjeu de main d’œuvre est déjà fragilisé», explique la sous-ministre adjointe à la Direction générale des affaires universitaires, médicales, infirmières, et pharmaceutiques, Dre Lucie Opatrny.
Dans certains cas, l’enjeu était par région et dans d’autres c’était par service. Ce qui nous a fait beaucoup réfléchir, c’est quand on a regardé nos CHSLD. On a tellement souffert lors de la première vague. Moi, je n’aurais pas pu me regarder dans le miroir en ayant pris ce genre de risque dans les CHSLD
Christian Dubé, ministre de la Santé
Selon le scénario du ministère, Christian Dubé précise que l’on manquerait d’environ 22 000 personnes au 15 octobre, dont environ 7 000 primo-vaccinés. Avec un scénario permettant aux primo-vaccinés de rester après cette date, le réseau manquerait encore de 14 000 travailleurs. «C’est comme si on revivait le pire de la pandémie où il nous manquait 12 000 personnes. Alors qu’aujourd’hui le réseau est plus fragile. Je ne veux pas mettre cette pression sur les travailleurs.»
«On dit 14 000 personnes sur 330 000. On peut se dire qu’on va faire le test sur quelques jours puis on va passer au travers, mais c’est pas ça la réalité. La réalité, c’est que nous sommes allés tellement dans le détails dans nos analyses, que l’on arrivait dans un RPA où il y avait 3 personnes sur 6 non vaccinées. Ça, ça veut dire qu’on doit fermer», explique le ministre Dubé.
En termes de services à la population, l’application du décret au 15 octobre aurait engendré une réduction de 35 % des services en CHSLD, une fermeture de 600 lits dans les hôpitaux et la fermeture de 35 salles d’opération selon la Dre Opatrny. Actuellement, il y a déjà 80 salles d’opération fermées au Québec sur un total de 470.
Le chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon souligne la décision du ministre de la Santé sur Twitter :
Nouvelle cible du 15 novembre avec sanctions
Les primes COVID pour les travailleurs de la santé non encore vaccinés entièrement ne seront pas versées, sauf s’ils arrivent à faire cet effort d’ici les 30 nouveaux jours de sursis. Ces mêmes travailleurs seront testés trois fois par semaine. «Je pense que le scénario au 15 novembre va être meilleur que ce qu’on avait à prendre comme décisions hier», estime Dubé.
La sous-ministre adjointe à la Direction générale des affaires universitaires, médicales, infirmières, et pharmaceutiques, Dre Lucie Opatrny, mentionne que le positionnement des différents ordres a permis d’inciter plus de travailleurs de la santé à faire cette démarche de vaccination. Les ordres des infirmiers, des inhalothérapeutes ou même du Collège des médecins ont décidé de suspendre les permis d’exercices pour les non-vaccinés. La date d’application est maintenant reportée au 15 novembre.
Les primes temporaires peu attirantes
La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) a sondé plus de 4000 de ses membres sur la stratégie du gouvernement qui «préconise les primes temporaires». Les répondants au sondage identifient principalement la reconnaissance de leurs efforts par des mesures financières permanentes (73 % des répondants) et la réduction de la charge de travail (63 %). Ils sont bien peu nombreux (24 %) à cibler la reconnaissance de leurs efforts par des primes temporaires.
Ce que les travailleuses et travailleurs disent au gouvernement, c’est que s’il veut vraiment régler le manque de personnel, il doit prendre une autre direction. Elles et ils sont au front depuis plus d’un an et demi face à la pandémie et sont à bout. Il faut d’urgence travailler à réduire la charge de travail et à mieux reconnaître la contribution de l’ensemble du personnel.
Jeff Begley, président de la FSSS-CSN