La ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a contredit plusieurs autres témoins à propos du moment où le gouvernement a été alerté de l’impact possible de la COVID-19 sur les CHSLD, affirmant que rien n’a été fait à ce sujet avant le mois de mars. Ces contradictions ont fait sourciller la coroner, Me Géhane Kamel.
C’est avec beaucoup d’émotion que Marguerite Blais s’est présentée à l’enquête de la coroner sur les décès survenus en CHSLD pendant la première vague de la COVID-19. Elle devait initialement témoigner au mois de novembre, mais elle était «trop émotive» pour le faire. En témoignant vendredi, elle interrompait un congé de maladie pour cause d’épuisement professionnel. Elle doit aussi composer avec un problème persistant à une jambe.
«Je suis devant vous en toute humilité, toute sérénité. C’est important pour moi, même si je suis en congé de maladie, parce que je considère que vous faites une enquête fondamentale dans la prodigation de nos soins», a indiqué Mme Blais, la gorge nouée par l’émotion.
Le gouvernement alerté en janvier ou en mars?
Selon la ministre Blais, ce n’est que le 9 mars 2020 que le gouvernement du Québec a été alerté que la COVID-19 avait un impact particulièrement important sur la santé des personnes âgées.
Sa version des choses va à l’encontre de celles d’autres témoins, notamment l’ex-ministre de la Santé Danielle McCann et l’ex-directeur national de santé publique, Horacio Arruda. Les deux témoins assuraient que les dirigeants des centres de santé de la province avaient été avertis plus tôt de faire preuve de vigilance quant à l’arrivée du virus dans leurs établissements, incluant les CHSLD.
«Vous comprenez mon étonnement quand [ces témoins] nous disent qu’il y a eu une préoccupation dès janvier par rapport aux personnes âgées, a réagi la coroner Géhane Kamel. Il y a des témoins qui sont venus me dire complètement l’inverse de ce que vous me dites ce matin.»
Lors d’une rencontre tenue le 9 mars à laquelle aurait participé le premier ministre François Legault, le gouvernement aurait constaté un avis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) selon lequel les aînés étaient plus susceptibles de subir les contrecoups de la COVID-19. Mme Blais avoue qu’elle était absente lors de cette rencontre, la première portant sur la crise au Québec. «J’étais dans un vol qui me ramenait au Québec», explique-t-elle.
Ce n’est que le 18 mars que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) aurait lancé une directive claire au gouvernement quant au danger potentiel que représentait le virus dans les CHSLD. À ce moment, l’administration Legault concentrait ses efforts sur la gestion des hôpitaux. On craignait de devoir appliquer un délestage sévère comme celui ayant lieu en Italie.
Réaction à retardement
Le 29 mars, la sous-ministre adjointe aurait rédigé un courriel selon lequel la situation au CHSLD Herron serait «difficile». Ce n’est pourtant que le 7 avril que la directrice du cabinet de la ministre Blais se serait entretenue avec un responsable de l’établissement de Dorval.
[Les gens en CHSLD ont] été les grands oubliés du système. Je suis revenue en politique pour changer ça, mais je n’ai pas eu le temps.
Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants
L’enquête publique de la coroner Géhane Kamel sur certains décès survenus dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie se poursuit vendredi au palais de justice de Trois-Rivières.