De l’itinérance voilée, de petits appartements où s’entassent quinze personnes, des femmes devant offrir des services sexuels pour pouvoir payer leur loyer… Une véritable crise du logement s’étend à la grandeur du Québec, et ses conséquences sont consternantes, surtout dans les communautés autochtones.
Les membres de la Commission populaire sur le droit au logement ont été choqués de constater les conditions de vie «dramatiques et dégradantes» des autochtones de Kuujjuak et de Lac Simon, notamment, pendant leur tournée à travers le Québec, l’automne dernier.
Dans leur rapport Urgence en la demeure, présenté mercredi, les commissaires pressent le gouvernement du Québec d’adopter une politique intégrée d’habitation pour reconnaître le droit au logement et établir des règles à suivre pour les municipalités. «Les municipalités ont à la fois la responsabilité du logement social et l’intérêt du logement privé, explique Marcel Duhaime, l’un des deux porte-parole de la commission. Une politique globale gouvernementale dénouerait ces contradictions.»
Les commissaires réunis mercredi ont déploré les conditions de vie des habitants des communautés autochtones de Kuujjuaq et de Lac Simon, qu’ils ont visitées.
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M. Duhaime raconte que des gens circulent dans la rue le matin, en attendant que le lit de la maison se libère pour aller dormir à leur tour. Des jeunes femmes monoparentales sont entassées dans un logement avec leurs enfants, où elles sont victimes de violence, mais elles n’ont nulle part où aller. «Ce n’est pas que les logements sont rares, chers ou inaccessibles… les logements sont inexistants! s’exclame M. Duhaime. Alors ces jeunes femmes sont coincées à vivre sous le toit de leur bourreau. C’est inouï!»
Et la situation ne s’améliorera visiblement pas, car ces communautés connaissent une explosion démographique. Marcel Duhaime affirme que certaines jeunes femmes tombent enceintes prématurément, dans l’espoir que leur situation devienne prioritaire aux yeux des autorités.
La commission, une initiative du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), demande également au gouvernement fédéral d’intensifier son aide financière aux programmes d’habitation du Québec.
Le maire de Kuujjuaq, Tunu Napartuk, était présent lors de la présentation du rapport. Il évalue que le Nunavik aurait besoin de 1000 logements sociaux supplémentaires et demande l’aide du gouvernement Harper pour ce faire.
Les besoins en logement sont tellement criants, que de plus en plus de gens ont recours au «couch surfing», sorte d’itinérance voilée. Des jeunes, des vieux ou des familles se promènent chez des membres de leur famille ou chez des amis, car ils n’ont pas de logement. Ils ne se perçoivent pas comme des itinérants, mais doivent pourtant changer constamment de logis temporaire en suivant la générosité de leurs connaissances.
En plus de favoriser la transmission des maladies contagieuses, comme la tuberculose, qui connaît une recrudescence inquiétante dans la communauté de Kuujjuaq, les logements surpeuplés constituent une source de stress constant pour les occupants, et causent de nombreux problèmes de santé mentale, constate M. Napartuk.
Le gouvernement fédéral affirme consacrer 296 M$ par année pour répondre aux besoins des autochtones vivant dans les réserves en matière de logement. «Ces fonds servent à la construction de logements locatifs, à la rénovation de logements existants, au paiement des subventions continues concernant les logements sociaux existants ainsi qu’à l’investissement dans le développement du potentiel», s’est contentée de répondre la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) par voie de courriel à Métro.
Cela n’est manifestement pas suffisant, puisque dans la seule communauté Anishnabe de Lac Simon, en Outaouais, où il faudrait doubler le nombre de logements disponibles pour répondre aux besoins de la population, le financement reçu permet de construire deux ou trois maisons par année, a constaté la Commission populaire itinérante.
Quant à la Société d’habitation du Québec (SHQ), elle ne veut pas commenter la situation pour l’instant. «Nous venons de recevoir le rapport, et nous allons l’analyser», a affirmé Alexandra Paré, des relations médias de la SHQ, à Métro.