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Pour la solidarité et la considération des personnes handicapées

Marie-Blanche Rémillard; Walter Zelaya; Anabelle Grenon Fortin - Moelle épinière et motricité Québec

LETTRE OUVERTE – Au terme de 2022, à l’approche du premier quart du 21e siècle, nous faisons une fois de plus le constat désolant que la majorité des personnes en situation de handicap, tant à l’international que chez nous au Québec, vivent toujours dans des conditions précaires, sinon carrément déplorables.

Voilà pourquoi en ce 3 décembre, Journée internationale des personnes handicapées, nous, l’organisme Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc), appuyé par le Collectif d’organismes pour la défense des droits des personnes en situation de handicap (CODDPSH), invitons les leaders politiques, sociaux et toute la population à se questionner collectivement sur la place des personnes en situation de handicap dans la société québécoise.

D’autant plus que les droits de ce groupe s’enchâssent dans divers outils législatifs. On compte notamment, la Charte québécoise qui garantit l’exercice des droits des personnes en situation de handicap sans discrimination; la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, entrée en vigueur en 1978 et renforcée en 2004, qui responsabilise les différents acteurs publics à l’égard de leurs besoins ainsi que la politique À part… égale, adoptée en 1984 et mise à jour en 2009 sous le nom À part entière: pour un véritable exercice du droit à l’égalité, qui vise à accroître la participation sociale des personnes handicapées.

Pourtant, malgré l’existence de ces sources de droit, nous remarquons peu de résultats structurels de la part des différents paliers gouvernementaux. Nous constatons avec regret que le Québec ne bénéficie toujours pas d’outils législatifs forts reconnaissant clairement les droits spécifiques aux personnes en situation de handicap, et contraignant réellement la majorité des acteurs privés et publics à agir pour améliorer les choses.

Par conséquent, les décideurs et les administrateurs arrivent encore trop souvent à esquiver leurs responsabilités, et ce, en toute impunité. Les personnes en situation de handicap en sont donc toujours, même au crépuscule de l’année 2022, à revendiquer des droits de base auprès des élus et élues.

Des exemples? En matière d’employabilité, la dernière enquête statistique d’envergure, qui date de 2017, relevait que seulement 55 % des personnes ayant des incapacités étaient représentées sur le marché du travail contre 79,3 % des personnes sans incapacité. Un écart de 23,2 %, et ce, dans un contexte où le nombre de travailleurs et travailleuses sur le marché décroit sans cesse depuis 2010! Une étude récente de l’Institut de la statistique du Québec démontre pourtant qu’une grande proportion des personnes ayant des incapacités étaient aptes au travail, ce qui ne les empêche pas de vivre encore de la discrimination.

L’étude constate que le milieu de l’emploi est marqué d’embuches à leur égard et que l’adaptation de l’environnement de travail ou de l’organisation du travail est une des clés pour favoriser leur inclusion parmi les contribuables. Ces constats sont bien connus et ont été maintes fois mis en lumière. Pourtant, sur le terrain, nous voyons peu d’évolution.


Un deuxième exemple vise l’accès concret aux soins de santé. Si nous parlons souvent d’un système de santé à deux vitesses au Québec, il faut en ajouter une troisième pour les personnes en situation de handicap. Est-ce normal qu’à l’aube de l’an 2023, des femmes aient le temps de développer des tumeurs à l’utérus et doivent sortir de leurs régions avant d’avoir accès à une table d’examen gynécologique adaptée? Est-ce conséquent que des cliniques médicales prétendument accessibles n’aient pas le matériel requis pour faire des examens aux personnes ayant de grandes limitations motrices? Estce logique que des personnes tétraplégiques ressortent des centres hospitaliers du Québec en moins bon état qu’elles n’y sont entrées?

La réponse à ces questions devrait être non. Malheureusement, encore aujourd’hui, trop de centres hospitaliers ont une
méconnaissance des besoins des personnes lourdement handicapées et les infrastructures continuent de ne pas être pensées pour les servir. Dans le secteur des soins privés, comme il n’existe aucun incitatif financier ou légal pour favoriser l’accessibilité, la problématique est encore plus criante.


Un troisième exemple concerne les revendications dans le secteur du transport adapté qui traverse actuellement une crise inqualifiable. N’offrant souvent que quelques plages horaires très espacées par jour, les services de transport en commun accessibles offerts par les municipalités répondent rarement aux besoins de déplacements des personnes en situation de handicap. Les services des taxis accessibles, plus flexibles, assumaient jadis jusqu’à 77 % des services et la demande était en croissance.

Cependant, la pénurie de personnel, le coût d’exploitation des véhicules adaptés et la récente réforme de l’industrie du taxi font en sorte que l’offre est devenue ridiculement insuffisante. On voit même des régions et municipalités qui n’ont plus aucun taxi adapté comme RouynNoranda et Saint-Joseph-de-Coleraine. Ainsi, les services de transport adapté municipaux subissent une hausse de la demande à laquelle ils sont incapables de répondre. Cela mène à des bris de services et des réductions drastiques. Les personnes en situation de handicap sont donc privées de mobilité et laissées à elles-mêmes, isolées, précarisées et privées de loisirs.


Ces trois exemples éloquents sont pourtant liés à des besoins fondamentaux pour l’inclusion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap. Nous aurions cependant tout aussi pu aborder les difficultés à cultiver une sympathie proactive dans l’espace médiatique et public, les obstacles pour trouver un logement adapté, les entraves à l’accessibilité architecturale dans les milieux urbains comme ruraux ou encore les difficultés sans précédent à obtenir des soins à domicile de qualité adéquate.


Nous sommes évidemment conscients que le système public a subi une série de conjonctures qui laissent encore leurs marques aujourd’hui, notamment la réforme du système de santé de 2015 qui a décimé les services de proximité ou encore la pandémie de COVID-19. Cependant, nous croyons que le piètre état des droits des personnes en situation de handicap ne découle pas exclusivement de ces conjonctures, mais plutôt d’un
manque de volonté politique et du manque de soutien à l’endroit du milieu associatif œuvrant dans le secteur du handicap.

À cet effet, nous nous permettons un aparté afin de souligner l’importance d’un contrepouvoir solide portant l’identité collective du groupe des personnes en situation de handicap. Historiquement, ce contre-pouvoir se constitue d’organisations communautaires autonomes. Or, le sous-financement du milieu associatif, jumelé à la hausse des besoins ainsi qu’à la fragmentation de la société, nous place devant un milieu associatif à bout de souffle.


Les constats de cette lettre témoignent d’une situation urgente et impérieuse. Nous demandons l’action immédiate de la classe politique d’une part, de façon à protéger les droits des personnes en situation de handicap de la province, et d’autre part, de façon à soutenir le milieu associatif en lui donnant les moyens de représenter leurs intérêts. Nous espérons aussi avoir sensibilisé les lecteurs et lectrices aux réalités vécues par plus de 1 385 000 personnes en situation de handicap, soit 16,1 % de la population québécoise.


Puisse cette missive être le tremplin d’un mouvement collectif porteur qui permettra enfin à celles-ci de devenir réellement une partie intégrante et active d’une société inclusive modèle qui fera l’envie du monde entier. En souhaitant à tous et toutes une très belle Journée internationale des personnes handicapées!

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