National

La Voix des opprimés

Louis-Jean Cormier

Le Québec paraissait divisé lundi à l’annonce de la nomination du nouveau coach de La Voix, Louis-Jean Cormier, membre fondateur du groupe Karkwa. Au sein du public de l’émission, l’incompréhension semblait totale : «C qui lui?» [sic], «j’vien d’écouter 2-3 tounes… pis son plate» [sic], ou encore «un gros show avec des artistes pas tant connue, pas yab» [sic], pouvait-on lire sur la page Facebook de La Voix. Mais pire, du côté d’une certaine clique élitiste, on accusait le principal intéressé d’être un vendu à la solde d’une grosse corporation médiatique.

Les amateurs de musique indépendante sont-ils les pires ennemis de son succès? Les mêmes qui se plaignent que Radio-Canada ait mis un terme à Studio 12 ou que les radios commerciales ne jouent pas assez d’Avec pas d’casque, d’Alex Nevsky ou d’Alaclair Ensemble s’insurgent lorsque ces artistes acceptent de se prêter à un exercice un tant soit peu populaire.

De quoi a-t-on peur? Que TVA dérobe à Louis-Jean Cormier son intégrité artistique? Que la plèbe nous le vole? Qu’il… rayonne? Et si on laissait la chance au coureur? Lors de la dernière saison de La Voix, la présence d’Ariane Moffatt dans un siège pivotant a favorablement teinté l’émission grand public d’une saveur indépendante. Des millions de téléspectateurs ont découvert Lana Del Rey à travers la voix de Valérie Carpentier, se sont familiarisés avec l’œuvre de Karim Ouellet et ont été «obligés» de se taper une merveilleuse interprétation de Tout le monde en même temps de Louis-Jean Cormier. Avec les ventes de disques qui s’en sont suivies.

Ce n’est pas parfait, on en conviendra. Mais soulignons que les Productions J n’ont aucune obligation de mettre en vedette des artistes «que personne connaît», pour paraphraser les fans de l’émission, et pourraient très bien se contenter d’avoir pour juges des valeurs sûres telles qu’Éric Lapointe, Marie-Chantal Toupin, [insérez le nom d’une vedette de Star Académie ici] et Michel Louvain. Lors de la dernière saison de Star Académie, un segment, la «galette émergeante», mettait en vedette Jimmy Hunt, Ingrid St-Pierre et Marie-Pierre Arthur, pour ne nommer que ceux-là. Au nom de quoi, sinon de l’élitisme, reprocherait-on aux artistes indépendants de participer à cette ouverture envers une plus grande diversité à la télévision?

En confinant les artistes indépendants dans des médias nobles (quels sont-ils, au juste?), on ne fait que restreindre leur rayonnement. Bouder la présence que leur offrent les médias grands publics sous prétexte que d’habitude leur modèle convergeant ne les met pas en valeur serait le comble de l’absurde. Je pense que certaines élites auraient tout intérêt à s’ouvrir à un plus grand métissage et à mettre à jour leurs idées préconçues quant à la «machine TVA». Ne serait-ce que pour leur culture générale.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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