Il fut un temps où les familles québécoises étaient nombreuses. Les photos d’antan sont là pour le prouver. Une fois par année, habituellement dans le temps des fêtes, on prenait le portrait de la «trâlée». Pour que tout le monde soit visible dans l’image, on ordonnait à la tribu de se tasser serré et de son côté, le photographe devait s’éloigner au maximum pour s’assurer que la postérité n’échappe personne. Souvent, pour finir le film de 12 poses, on prenait des photos du buffet essentiellement constitué de petits sandwiches et de cornichons sucrés. C’est seulement quand on recevait les photographies dûment développées quelques jours plus tard qu’on pouvait savoir si l’opération annuelle avait été une réussite ou un échec lamentable.
À peu près à la même époque, dans la plupart de nos foyers, le téléphone était vissé sur le mur de nos cuisines. Je dis bien LE téléphone puisque rares étaient ceux qui disposaient d’un deuxième appareil. Même si ça risquait de provoquer régulièrement de sanglantes mêlées générales parce que tout le monde avait généralement envie de communiquer avec le reste de l’univers au même moment.
Aujourd’hui, en utilisant exactement les mêmes mots mais en inversant leur ordre, vous pouvez raconter, à la fois, sensiblement la même histoire… et son contraire! Voici ce que ça donne…
De nos jours, nombreuses sont les familles québécoises où l’on ne compte qu’un seul enfant. D’ailleurs, cet enfant unique a souvent – beau paradoxe – deux familles. Plusieurs fois par jour, il prend des photos en utilisant son téléphone portable. Normal, tout le monde possède son propre bidule et peut envoyer moult textos et capter des images qui s’emmagasineront dans l’infinie mémoire virtuelle de la bébelle. Il arrive, mais c’est de plus en plus rare, qu’il se serve du même appareil pour passer un coup de fil… sans fil et sans mur de cuisine. À quoi bon parler dans un machintruc alors qu’il y a déjà tant à faire avec?
Ce qui est pratique avec le téléphone portable, c’est qu’on n’est plus obligé d’attendre dix jours pour savoir si les photos sont correctes. On clique, on vérifie, on conserve ou on jette, ça finit là. Et pas besoin de demander non plus à tout le monde de se tasser ni de reculer dans le mur pour se faire tirer le portrait. Désormais, c’est du bout de son bras tendu que l’on se pose la binette. On peut, si le cœur nous en dit, se prendre soi-même en photo en compagnie d’un ou d’une amie, invariablement collés joue contre joue. En 2013, on appelle ça une photo de groupe. Et, ça tombe sous le sens, jamais on ne négligera de montrer ce que l’on s’apprête à bouffer en prenant bien soin de partager cet instant de bonheur avec l’ensemble de l’univers sur Facebook, Twitter, ou Instagram plutôt que de garder ça pour soi dans un album rangé sur la tablette du fond dans la penderie.
On n’arrêtera quand même pas le progrès, non…
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Anthony Calvillo ne sera pas à son poste de quart ce soir à Toronto pour le match des Alouettes. Quand on subit une commotion cérébrale, on a intérêt à se tenir tranquille. Surtout quand notre travail consiste à se faire rentrer dedans par des taureaux de 270 livres. Cela étant dit, il arrive exactement ce que l’on redoutait le plus pour Calvillo à savoir, être victime de la blessure de trop en jouant une saison de trop dans le cadre d’une année virtuellement perdue pour lui et pour son équipe.
Triste mais pour le pauvre Anthony, tout est bien qui finit mal…
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.