L’histoire qui suit aurait pu être une chanson. Mais elle n’en sera pas une. Écrire des chansons étant maintenant devenu un sport dangereux où les coups les plus inattendus peuvent arriver de toutes parts, j’ai choisi de vous livrer le fruit de mon imagination autrement. Donc…
Il était une fois, un gars qui habitait l’étrange ville de Fermont. Son nom : David Poirier. On présume qu’il était allé s’établir là pour le travail parce qu’à ce jour, on cherche encore le premier humain qui est parti vivre là-bas pour une autre raison. Pour meubler ses loisirs et pour embraser ses émotions, le gars écoutait de la musique. Un jour, il est tombé sur Fabriquer l’aube, le nouvel album de Vincent Vallières. Par un formidable hasard, il y avait dessus une chanson qui s’intitulait Fermont. Intrigué, c’est cette chanson-là qu’il a pris la peine d’écouter en premier.
J’ai pris la job à Fermont
C’est tout ce qui me restait à faire
Y avait plus d’ouvrage en ville
J’étais en train de devenir débile
La paye est bonne c’est vrai
Mais j’te jure que je m’ennuie au complet
Le soir cordé dans le mur
Comme un piquet de clôture…
«Woups! Qu’est-ce que Vallières vient de chanter-là bout d’ciarge? Y vient de me comparer à un piquet de clôture? Ah ben là, c’est fini, F-I-FI, N-I-NI, je n’achèterai plus jamais d’album de Vincent Vallières. Fini! Vite sur Facebook, que je puisse partager mon fond de peine avec mes vrais amis du virtuel! Si ça se peut…»
La suite de mon histoire, vous la connaissez. En fait, à partir de là, ce n’est plus vraiment mon histoire. Ce n’est même plus tout à fait celle du gars de Fermont. Encore moins celle de l’opportuniste mairesse de la ville qui a voulu capitaliser sur ce désolant lancer de la balloune d’eau pour la faire avancer dans sa campagne électorale.
Après des années, que dis-je, des décennies à cultiver le «garder tout en dedans», le Québécois moyen a pris la fâcheuse habitude de s’emparer du crachoir et de le remplir allègrement à chaque fois qu’un poil retrousse dans sa vie ou dans sa tête. Sont-ce les effets de 40 ans de psychothérapie, allez donc savoir, mais de nos jours, il semble de bon ton de TOUT dire TOUT LE TEMPS. Que ça tienne debout ou non. L’idée, on dirait que c’est d’abord de se faire entendre et de réfléchir à tout ça ensuite. Et ça donne ce que ça donne. Une ville rouge de honte qui se promène la tête entre les deux jambes depuis qu’un pseudo-fâché a écrit des âneries sur son ordinateur.
Est-ce que c’est de la mauvaise foi? Un intarissable geiser de soupe au lait? Ou bien une susceptibilité exacerbée par une paranoïa latente qui nous habite tous plus ou moins? J’sais pas mais y’a de quoi se demander pourquoi les plombs sautent aussi facilement et aussi souvent à propos de tout et de rien.
C’est bien beau de se prendre au sérieux. En autant qu’on ne soit pas sérieusement à côté de ses pompes. Dans le domaine, on s’en vient pas mal bons me semble…
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L’homme de cinéma Michel Brault est décédé. Une perte immense. Heureusement, son œuvre et ses images demeurent accessibles. Je vous parlais incidemment de son extraordinaire film Les ordres la semaine dernière. Quelle sera la première station de télé à se revirer de bord pour nous le présenter au plus tôt? Information prise à la Cinémathèque québécoise, si on fait de quoi, ça ne sera pas avant le mois de janvier. Quand on est hot…
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.