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Les oléoducs de la discorde

Le projet Rabaska (gaz), la centrale du Suroît (centrale thermique), les gaz de schiste, le barrage de la rivière Eastmain: les projets énergétiques soulèvent régulièrement les passions au Québec. Les derniers en date sont les deux projets d’oléoducs qui permettraient de transporter le pétrole des sables bitumineux de l’ouest vers l’est du Canada. État des lieux.

Oléoduc Énergie Est
Présenté par TransCanada en août 2013, cet oléoduc permettrait de transporter 1,1 million de barils de pétrole brut par jour entre l’Ouest canadien (Alberta et Saskatchewan) et les raffineries de l’est du pays d’ici 4 ans. Des 4500km prévus, 33% consisteraient en de nouveaux oléoducs. Le projet est évalué à 12G$.

Outre la construction des nouveaux oléoducs, il faudra construire 72 stations de pompage, 3 terminaux d’environ 47 réservoirs et des installations maritimes de chargement de navires-citernes qui font déjà enrager les défenseurs des bélugas de Cacouna. La proposition de tracé sera déposée avant le début des audiences de l’Office national de l’énergie (ONÉ), mais l’entreprise continuera ses consultations avec les communautés visées. On sait déjà qu’il passerait à proximité de Mascouche et qu’un embranchement rejoindrait la raffinerie Suncor de Montréal-Est, en passant par Laval. En tout, 80% des 721km qui fouleront le sol québécois traverseront des terrains privés.

Ligne 9B d’Enbridge
Ce projet consiste notamment à inverser le flux de l’oléoduc 9B entre North-Westover (Ontario) et Montréal-Est. Ce retour au flux initial, utilisé entre 1976 et 1999, permettrait d’acheminer 300 000 ba­rils de pétrole issus des sables bitumineux vers les raffineries de Montréal, Lévis, et vers le port de Portland. Actuellement, l’oléoduc vieux de 37 ans sert à transporter du pétrole léger venant de l’étranger vers les raffineries ontariennes. Même si certains craignent que cet inversement, de même que l’augmentation de 25% du flux et le choix de transporter à l’occasion du pétrole lourd – en plus du brut léger, qui y serait majoritairement transporté –, affaiblisse les canalisations, en dépit de l’ajout d’un agent réducteur de frottement, l’Office national de l’énergie a donné sa bénédiction. L’Office a toutefois refusé la demande d’exemption d’Enbridge à l’égard de l’autorisation de mise en service. L’entreprise albertaine devra aussi améliorer ses plans d’intervention d’urgence et consulter la population.

Ce qu’ils ont dit

Le débat

Trois des quatre principaux partis politiques québécois, le Conseil du patronat et plusieurs chambres de commerce appuient globalement ces projets. Ils clament qu’utiliser du pétrole canadien plutôt qu’algérien (28% des importations actuelles) permettra d’éviter la fuite des capitaux (environ 13G$ par an pour le Québec).

Privilégier le pétrole de l’Ouest enrichirait aussi indirectement le Québec, qui tire annuellement environ 7,5G$ de la péréquation (répartition de la richesse entre les provinces).

Ces projets d’oléoducs visent aussi à contrecarrer la saturation des autres moyens de transport dans l’optique d’un doublement de la production d’ici 10 ans.

L’Institut économique de Montréal clame enfin que ces nouvelles sources d’approvisionnement assureront la pérennité de 1000 emplois bien payés dans les deux raffineries québécoises tout en étant un moyen de transport quatre fois plus sûr que le train.

Équiterre et d’autres groupes écologistes pensent plutôt que ces projets renforcent notre dépendance au pétrole.

«Le projet 9B entraînerait une augmentation de la production des sables bitumineux de l’ordre de 12%. Cela ferait bondir les émissions de gaz à effet de serre de 7,9 mégatonnes, soit l’équivalent de 1,6 million de voitures supplémentaires», indique une recherche de l’IRIS.

En outre, les entreprises derrière ces projets ne seraient pas de bons citoyens corporatifs. Enbridge, derrière le pro­­jet de la Ligne 9B, a été responsable de 804 dé­ver­sements de 1999 à 2010, dont celui de la rivière Kalamazoo aux États-Unisqui a coûté 1G$. Il s’agissait là aussi d’un cas d’inversement du flux d’un pipeline, note l’organisme Accufacts. L’enquête américaine avait conclu à une «culture de déviance» au sein de l’entreprise, qui avait dû revoir ses procédures.

Le fait que le tracé des deux oléoducs passe par la rivière des Outaouais n’est pas sans inquiéter les écologistes, qui craignent la pollution d’un des affluents du Saint-Laurent, source d’eau potable des Mont­réalais.

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