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Le groupe

Les conventions collectives des travailleurs du secteur public québécois viennent à échéance en mars 2015. Le gouvernement leur demandera de se serrer la ceinture et de «faire leur effort». La population, en observant ce bras de fer, se dira peut-être que ces «gras dur» profitent d’avantages auxquels elle-même n’a pas droit. Les syndicats n’ont pas la cote.

En 2011, bien avant la commission Charbonneau, un sondage INM-Léger a demandé aux Québécois ce qu’ils pensent des leaders de huit milieux de la société québécoise, dont le milieu communautaire, le milieu des affaires et le milieu politique. Ce sont les syndicats qui ont eu la pire note, avec 72% des répondants disant avoir une mauvaise opinion des syndicalistes.

Ça fait des décennies que l’organisation syndicale et les mouvements collectifs en général sont regardés avec suspicion. Pas de la haine avérée. Plutôt de la méfiance. Cette méfiance reflète-t-elle notre appréhension de tout ce qui est collectif?

On adore l’individu. On chérit, avec raison, sa liberté de conscience, sa capacité de décider pour lui-même, en fonction de ses repères moraux. On aime encore plus les individus qui réussissent tout seuls, grâce à leur talent ou malgré l’adversité.

La conquête de l’individu est l’une des plus belles avancées de la civilisation humaine. Elle nous a donné les droits de la personne et les libertés civiques, la responsabilité individuelle et le respect de la vie humaine.

Souvent opposé à l’individu triomphant, le groupe, lui, a vu son étoile pâlir. Les totalitarismes du XXe siècle et les utopies collectivistes ratées ont contribué à alimenter un discours contre tout ce qui ressemble à de l’action collective. Aujourd’hui, les syndicats sont l’une des dernières incarnations des mouvements de masse et sont considérés par plusieurs comme des lieux de négation de la liberté individuelle.

Et pourtant, ce sont les syndicats qui ont rendu effectifs les droits octroyés aux individus. C’est le mouvement syndical qui nous a donné la journée de travail de huit heures, la fin de semaine, le salaire minimum, les vacances payées, l’équité salariale, les normes de travail, la formation continue, le congé de maternité. Ces aspects de notre vie quotidienne, qui nous donnent la capacité de vivre dans la dignité et de nous épanouir individuellement, ne sont pas tombés du ciel, ils ont été arrachés de haute lutte par des groupes de travailleurs qui ont parlé d’une seule et même voix. Non, le week-end n’a pas été créé par Dieu. Il a été obtenu par le mouvement syndical. Un mouvement qui n’est pas sans ses travers, mais qui nous a donné des acquis dont on profite tous aujourd’hui.

Quand les travailleurs du secteur public québécois négocieront leurs conventions collectives, on se dira peut-être que ces «gras dur» profitent de ce à quoi on n’a pas droit, ou on pourrait se rappeler qu’ils nous tirent tous vers le haut.

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