«Des milliers de femmes suivent le mouvement viral des jambes poilues», titrait un quotidien montréalais hier. Il n’en fallait pas plus (sauf peut-être quelques photos à l’appui) pour mettre le nez du public dudit quotidien dans ses doubles standards en matière de pilosité. Sur Facebook, les commentaires fusaient sans retenue pour dire qu’une femme qui laisse pousser librement son pelage du bas n’est pas une «vraie femme».
«Un mot : affreux», «Qu’elles se négligent. Les gars vont continuer à s’intéresser aux femmes qui prennent soin d’elles et soignent leur apparence», «Où puis-je vomir?», «Bon! Elles veulent des jambes de gars maintenant!», «Tant qu’à moi ça fait partie de l’hygiène. Une fille poilue, c’est juste dégueulasse.»
C’est vrai qu’en matière d’hygiène, le poil accumule des saletés sur les jambes. C’est la raison pour laquelle les hommes attrapent sans cesse le typhus, mais pas les femmes, non? C’est là que Julie y est allée d’une explication anthropologique : «Revenir à l’homme des cavernes, c’est laid. C’est mieux pour les femmes de ne plus avoir de poils aux jambes, mais les hommes, c’est normal, c’est naturel.» Jamais nature et culture n’ont été confondues avec autant d’assurance.
Cela m’a rappelé une discussion que j’ai eue il y a quelques années avec un animateur de radio poubelle portant des t-shirts lignés et comptant plusieurs kilos en trop : «On sait bien, les femmes, vous nous séduisez, après ça vous commencez à grossir et à porter des leggings», disait-il en substance. Seul le fait que je représentais un magazine auquel je collaborais m’a retenue à l’époque de lui répondre en ondes «Vous êtes-vous regardé dans le miroir récemment?»
S’il fallait une preuve de plus que les attentes unilatérales envers la gent féminine sont très répandues, le Hairy Legs Club nous l’a donnée. Près de 250 commentaires plus tard, des hommes et des femmes tirés d’un échantillon non représentatif de la population semblent s’entendre sur le fait qu’une demoiselle qui se respecte doit cacher ces poils que l’on ne saurait voir. Cela démontre de manière éloquente le bien-fondé de la démarche des adeptes de la jambe velue, dont l’objectif est de changer l’idéal social de la beauté.
Mais une question demeure en friche: comment de simples poils peuvent-ils semer autant la zizanie? D’après moi, les poils de jambe ont un pouvoir secret que les hommes veulent garder pour eux.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.