La fille au resto ou chez ses amis qui ignore tout ce qui se passe autour d’elle parce qu’elle est obnubilée par une télé allumée, c’est moi. Enfant, je regardais beaucoup la télé. Je me retirais du monde réel pour entrer dans les mondes imaginaires de Bill Cosby et de Star Trek.
Aujourd’hui, je n’ai pas de téléviseur chez moi. Je n’ai plus besoin de la télé comme avant. Mais la télé, elle, a apparemment besoin de moi.
À preuve, les vifs débats qui ont cours dans le cadre des audiences publiques du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) intitulées «Parlons télé». L’organisme fédéral souhaite mettre à jour les règles qui encadrent la livraison de contenus par les télédiffuseurs.
Les Canadiens regardent autant de contenus télé aujourd’hui qu’il y a 10 ou 15 ans, mais ils les regardent sur plusieurs plateformes, dont l’internet. Le CRTC veut ajuster ses règles pour tenir compte de cette nouvelle réalité.
La réglementation du CRTC couvre une multitude d’aspects: protection des minorités culturelles, concurrence équitable, droits des consommateurs, information de qualité. Par exemple, les télédiffuseurs sont obligés de présenter un minimum de contenu canadien. Et ils sont tenus d’offrir un espace aux programmes communautaires, régionaux ou en langue minoritaire.
Les programmes sur le web ne sont pas soumis à ces normes. Réglementer les contenus sur l’internet inquiète les défenseurs d’un web totalement ouvert; on craint que des balises ne compromettent la liberté d’expression. Les gros joueurs, Québecor en tête, aimeraient profiter de cette situation pour que l’on fasse carrément disparaître les règles.
L’arrivée du web en télé cause un autre tremblement de terre: l’argent se déplace. La logique des cotes d’écoute veut que là où il y a des spectateurs, il y a des revenus publicitaires.
Et les sommes en jeu sont importantes. La firme comptable Price Waterhouse Cooper estime qu’au Canada, en 2013, les télés ont engrangé 3,6 G$ de revenus publicitaires. Mais c’est le web qui trône au premier rang, avec des revenus estimés à 3,8G$.
Le CRTC entendra les points de vue de plus d’une centaine de groupes inscrits aux audiences publiques, dont Netflix, l’Alliance des producteurs francophones du Canada, Radio-Canada et même… Walt Disney! Après les avoir entendus, le CRTC devra déterminer quel encadrement protégera le mieux l’intérêt public. Cet intérêt inclut l’équité d’accès et la diversité de notre univers télévisuel.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.