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La vraie liberté

C’était la rentrée parlementaire à Ottawa lundi et à Québec mardi. À première vue, on pourrait croire qu’elles se font sous des signes opposés: à Ottawa, on nous annonce des réductions d’impôts – c’est Noël en septembre! –, tandis qu’à Québec, on nous demande de nous serrer la ceinture, nous qui avons péché par excès de programmes sociaux. Mais en y regardant de plus près, on voit que ces deux mesures sont la cause et la conséquence d’une seule et même orientation: le rétrécissement de la marge de manœuvre de l’État.

C’est bien malin de la part des conservateurs d’annoncer des baisses d’impôts en cette année électorale. En plus de séduire les contribuables, cela coincera le Parti libéral et le NPD. Ils devront renoncer à certains éléments de leurs programmes ou annoncer des hausses d’impôts pour les financer. Dans les deux cas, ça n’est pas vendeur. Et c’est là tout le problème.

Les gouvernements successifs ont depuis 30 ans choisi de renoncer à des revenus en consentant des congés fiscaux à des tranches de la population qui n’en avaient pas besoin: les plus hauts revenus et les grandes entreprises. Je cherche encore l’étude qui prouve que ces congés fiscaux se sont traduits par des investissements significatifs dans l’économie.

Aujourd’hui, le discours anti-impôts qui domine la rhétorique politique fait en sorte que les partis ne peuvent rétablir ces niveaux d’imposition sous peine de suicide électoral. Ce qui leur enlève toute capacité de proposer des projets novateurs, en phase avec notre époque.

Suivant cette logique, ces sommes que l’État ne collecte pas seront plutôt dépensées par les individus. On pourrait s’en réjouir. Plus d’argent dans nos poches! Plus de liberté de choix! Mais cette consommation supplémentaire ne résoudra pas les problèmes collectifs.

Prenez le transport en commun: nos besoins aujourd’hui sont bien différents d’il y a 15 ou 20 ans. Les banlieues se sont étalées. Les émissions de gaz à effet de serre ont explosé. On a besoin de nouvelles solutions en transport collectif. Elles coûtent de l’argent que nous n’avons pas. Que les conducteurs aient quelques dollars de plus à mettre sur de l’essence ne règle rien.

Les impôts sont les moyens que nous nous sommes donnés pour faire fonctionner la société, mais aussi pour la faire progresser. Réduire les impôts veut dire réduire ce à quoi nous pouvons aspirer. C’est vrai, le Québec n’est pas le Zimbabwe. Nous avons encore les moyens d’offrir des soins de santé et une école pour tous. La situation qui m’inquiète est celle où nous perdons notre capacité à améliorer ces systèmes, à les rénover, à les faire évoluer avec nos besoins ou en fonction de nouvelles ambitions. C’est ça, la vraie liberté.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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