OTTAWA – Cinq jours après avoir décroché le contrat des nouveaux brise-glaces de la Marine royale canadienne, les chantiers navals Irving de Halifax ont appris qu’ils seraient l’entrepreneur principal pour le remplacement promis de frégates militaires.
Plusieurs sources au sein du gouvernement et du ministère de la Défense nationale ont indiqué que la nouvelle avait été discrètement dévoilée mardi durant une présentation à huis clos qui s’adressait aux entreprises intéressées par ce plus récent volet du programme de «Navire de combat de surface canadien», évalué pour l’instant à 26 milliards $.
Vendredi dernier, on apprenait qu’Irving Shipbuilding décrochait aussi le contrat de construction de sa nouvelle flotte de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, un programme évalué à 3,5 milliards $. Les brise-glaces commandés — cinq ou six — sont des navires moins complexes que les frégates.
La décision de désigner Irving comme entrepreneur principal pour la construction des frégates devra d’abord être entérinée par le Conseil du Trésor, une fois les documents rédigés. On ignore pour l’instant quelle somme toucherait Irving en vertu de ce contrat.
Les conservateurs ont déjà indiqué qu’ils espéraient faire construire jusqu’à 15 frégates militaires mais selon des experts, l’effet combiné des délais répétés et de l’inflation risque de réduire ces attentes.
Le statut d’«entrepreneur principal» sur un projet d’une telle ampleur conférera à Irving une position enviable, compte tenu des budgets prévus, en lui permettant d’avoir son mot à dire sur le choix des sous-contractants, notamment ceux chargés de concevoir et d’installer l’arsenal sur les navires de combat.
Irving — sous son ancien nom de Saint John Shipbuilding — était déjà l’entrepreneur principal lors de la construction des frégates actuelles, dans les années 1980 et 1990. Cette fois-ci, plusieurs armateurs, bénéficiant tous d’une expérience plus récente dans les grands projets militaires, étaient intéressés à prendre les rênes du programme canadien de frégates. Ainsi, l’armateur militaire français DCNS et le géant américain Lockheed Martin étaient en lice, mais ils pourraient récolter des mandats de sous-contractants.
Phillippe Lagasse, expert en politiques de défense à l’université d’Ottawa, croit d’ailleurs que le manque d’expérience récente d’Irving dans la construction de navires militaires pourrait être comblé par le recours à des sous-traitants chevronnés. Il croit cependant que le gouvernement fédéral devra exercer un contrôle serré sur l’exécution du contrat, puisqu’il devra maintenant vivre avec Irving, quoiqu’il arrive.
«Lorsque vous avez désespérément besoin de vos navires, vous êtes parfois prêts à plier» devant les nouvelles exigences de l’entrepreneur, a expliqué le professeur Lagasse, en rappelant les longs délais dans la livraison des hélicoptères CH-148 Cyclone, de Sikorsky. Le gouvernement Harper, pressé de recevoir ses appareils, avait alors été réticent à sévir contre le constructeur.