MONTRÉAL – Les musulmans ne veulent pas être tous mis dans le même panier et refusent que les politiciens se servent d’eux pour gagner des points auprès des électeurs, ont déclaré des représentants du Forum musulman canadien.
Ils dénoncent les politiciens qui se font du capital politique en alimentant «la peur du musulman», en se servant des événements de l’actualité et de la crainte qu’inspirent les «radicaux», un terme que plusieurs utilisent, selon eux, comme s’il s’agissait d’un synonyme de musulman.
Les membres du regroupement ont fait une sortie vendredi parce qu’ils se sentent «instrumentalisés» après les récentes attaques au pays, soit celles au parlement canadien et à Saint-Jean-sur-Richelieu, et ailleurs dans le monde comme l’attentat au magazine Charlie Hebdo à Paris où 12 personnes ont perdu la vie.
Une violence faite au nom de l’Islam qu’ils dénoncent, comme tous les autres Québécois.
La proposition de François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, de procéder à une enquête avant l’ouverture d’une mosquée est «l’exemple par excellence de cette instrumentalisation», ont-ils expliqué.
Le problème n’est pas qu’à Québec: au niveau fédéral, cette «peur du musulman» est aussi exploitée à des fins politiques et est perpétuée par le premier ministre Stephen Harper dans ses discours, ajoutent-ils.
Ils craignent que cela contribue à la montée de l’islamophobie au Québec, ce qui a un impact sur la communauté musulmane, qui est victime de harcèlement, de discrimination et d’actes de violence.
Récemment, une femme aurait reçu une lettre lui disant qu’elle n’était pas une Canadienne et la sommant de retourner chez elle. Un homme qui était dans le métro accompagné de sa femme voilée aurait été frappé à coups de bâton de hockey, rapporte Kathy Malas, vice-présidente du Forum musulman canadien.
«On ne veut pas un fractionnement de la société, que des musulmans ne se sentent pas Québécois à cause de cela», dit-elle.
Elle dit se lever chaque jour en craignant de lire dans les journaux qu’un acte de violence ait été commis au nom de l’islam par des groupes qui déforment la religion, mais qui font ainsi mauvaise presse aux musulmans pacifiques qui vivent ici.
Et tout cela démontre aussi que les musulmans au pays sont scrutés au microscope comme aucun autre groupe de la société, ont affirmé les membres du Forum lors du point de presse convoqué à Montréal.
Mais quand il est question de leur rôle par rapport à des musulmans qui prônent des valeurs rétrogrades et discriminatoires et s’ils ne devraient pas eux-mêmes repérer et faire taire les imams qui répandent de telles idées, les réponses se font plus vagues.
Interpellés au sujet de l’imam Hamza Chaoui, qui s’est fait qualifier d’agent de radicalisation par le maire Denis Coderre, ils ont répondu qu’il était une personne inconnue, un peu obscure, jusqu’à ce qu’un scandale éclate au sujet de son centre communautaire. Quant à ce qu’ils pouvaient faire contre un tel individu dont les valeurs ne correspondent pas aux leurs, ils ont précisé que le Conseil des imams du Québec s’est réuni plusieurs fois à ce sujet.
Il représente exactement ce qu’on dénonce, a fait valoir Sameer Zuberi, membre du conseil d’administration du Forum. Cet homme seul qui ne parle que pour lui-même «est capable de jeter une ombre sur tous les musulmans», déplore-t-il.
Pour les membres du groupe, la solution passe par la discussion. Ils approuvent la démarche entamée en novembre par le premier ministre Philippe Couillard qui a invité des représentants de la communauté pour établir un plan d’action afin de prévenir le radicalisme des jeunes. Le Forum n’a toutefois pas été invité à participer par M. Couillard mais a demandé à pouvoir se joindre à la table de discussion.
Au bureau de Kathleen Weil, la ministre de l’Immigration, on indique que le Forum sera rencontré incessamment comme beaucoup d’autres groupes pour recueillir leurs commentaires et suggestions. Mais ses membres ne seront pas invités à se joindre au groupe consultatif initial car il «n’est pas possible d’y avoir tout le monde».
Le Forum musulman canadien dit être une organisation communautaire fondée à Montréal qui représente les intérêts communs de la communauté musulmane et qui vise à promouvoir l’implication citoyenne dans la société.