Depuis quelques semaines, j’entreprends pour mon travail des recherches sur les mouvements sociaux dans le monde. J’ai découvert que, de tout temps, ce sont les étudiants qui ont, par leur prise de parole publique, éclairés les travers de leur société. Mai 68 ou l’opposition à la guerre du Vietnam sont les plus connus de ces mouvements étudiants. La postérité a jugé leurs actions avec beaucoup d’admiration et a estimé qu’ils avaient eu le courage de porter leurs convictions sur la place publique.
Pendant que je mène cette recherche, j’écoute et je lis nos commentateurs médiatiques qui réagissent à la grève étudiante déclenchée ici la semaine dernière. Et je me demande pourquoi notre époque a si peu de bienveillance à l’égard de ses étudiants. C’est plutôt avec agacement ou mépris qu’on a accueilli l’annonce de la grève et les manifestations.
On leur reproche de ne pas avoir de revendications claires. Pourtant, celles-ci sont très clairement explicitées sur leur site internet. Les étudiants manifestent contre deux choses: les politiques budgétaires du gouvernement et les mesures d’exploration ou de transport pétroliers au Québec.
Plusieurs ont critiqué les méthodes des étudiants, et ce faisant, ont repoussé du revers de la main toute l’entreprise de contestation. C’est une erreur d’amalgamer stratégies et motifs. Si on peut critiquer les détails de la stratégie (timing, communications publiques), cela ne nous dispense pas d’être attentifs à leurs arguments.
On a reproché aux étudiants de se mêler de questions qui dépassent l’enjeu des frais de scolarité ou celui de l’éducation. Vivons-nous dans une société où seuls les intérêts privés ont la légitimité de s’exprimer?
Il y a sans doute une raison qui explique que, partout sur la planète, ce sont souvent les étudiants qui sont les premiers à tirer la sonnette d’alarme. Ils sont à un moment de leur vie où ils profitent d’une grande liberté de conscience, où on encourage la curiosité intellectuelle. Cet état les incite à remettre en question des choix que le reste de la société croit évidents, à s’attaquer à des problèmes que la majorité croit insurmontables. Cela leur permet de défendre leurs convictions avec détermination.
Les étudiants actuellement en grève sont inquiets. Ils rejettent les orientations sociales, politiques et économiques qui sont, à leurs yeux, nuisibles pour l’avenir de leur société. Il se peut bien que leurs méthodes soient maladroites ou qu’elles manquent de stratégie. Mais on devrait, au minimum, être disposés à les écouter sans se moquer d’eux.
Une société qui se crispe quand ses étudiants expriment des idéaux est une société qui se prive d’une lumière crue, mais vraie. Nous devrions miser sur cette force d’indignation pour avancer collectivement. J’espère que l’évolution de cette affaire nous prouvera que le Québec est capable d’être bienveillant à l’égard de sa jeunesse qui s’exprime sur son avenir.