Il ne serait «pas réaliste» que des débats sur un changement de mode de scrutin soient tenus à l’Assemblée nationale avant la tenue des prochaines élections provinciales, en octobre 2022, affirme le premier ministre François Legault. Pourtant, il s’agissait d’une des promesses lancées par la CAQ, lorsque le parti a été élu majoritairement en 2019.
«Changer le mode de scrutin, c’est quelque chose d’important, a expliqué le premier ministre jeudi, au Salon bleu. On ne peut pas faire ça du jour au lendemain. Dans le contexte de la pandémie, quand on regarde l’échéance qu’on a devant nous autres, ce n’est pas réaliste de penser qu’on va avoir ce grand débat important avant octobre 2022.»
L’objectif de la CAQ était d’implanter un mode de scrutin proportionnel mixte dès les prochaines élections. En sa vertu, l’Assemblée nationale aurait été composée de députés élus et de députés de liste. Le nombre de députés, 125, demeurerait inchangé, mais les circonscriptions seraient beaucoup plus vastes.
Seulement 75 à 80 députés seraient élus directement, avec leur nom sur le bulletin de vote. Les autres députés seraient déterminés en fonction du pourcentage de vote obtenu par chaque parti. Ainsi, le nombre de sièges correspondrait davantage au nombre de votes cumulés par les partis.
Indignation
Un organisme défendant une réforme du mode de scrutin, Mouvement démocratie nouvelle (MDN), s’indigne des propos du Premier ministre.
«C’est une promesse rompue sous de faux prétextes avec un cynisme choquant, déplore son président Jean-Pierre Charbonneau. C’est une occasion manquée de conclure dignement plus de quarante ans de tergiversations sur cette réforme essentielle pour moderniser et rendre plus équitable notre démocratie représentative.»
La pandémie a bon dos, considère la vice-présidente et ancienne coporte-parole de Québec solidaire, Françoise David. Des débats d’importance comme la réforme de scrutin devraient être tenus malgré le contexte, soutient-elle. «Je tiens à exprimer mon indignation devant un geste aussi désinvolte, devant un premier ministre qui ne pense qu’à ses intérêts et ceux de son parti», accuse-t-elle.
Copié collé?
Au moment de sa première élection comme premier ministre du Canada en 2015, Justin Trudeau avait promis une réforme de scrutin. Après avoir été élu de façon majoritaire, il a finalement abandonné cette idée, qui ne semble plus dans les cartons depuis.
Jeudi, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a accusé M. Legault d’agir comme son homologue d’Ottawa. «Le premier ministre se chicane avec Justin Trudeau, mais il lui ressemble quand même pas mal. Lui aussi, il trouve des excuses», s’est-il désolé.
Le ministre Simon Jolin-Barrette a défendu le premier ministre. «Le premier ministre du Québec n’a rien à voir avec Justin Trudeau […] C’est grave comme allégation», a-t-il dénoncé.
En septembre 2019, la CAQ déposait le projet de loi 39, dont le but était de réformer le scrutin électoral. Celui-ci devrait être relégué aux oubliettes, le 19 octobre, alors qu’il est attendu que le premier ministre proroge la session parlementaire.