En mars, cinéma québécois rime avec visions féminines. Après les projets de Sophie Lorrain, de Jeanne Leblanc et de Sophie Dupuis, c’est au tour de Sophie Bédard Marcotte de s’éclater avec son ovni Claire l’hiver.
Ce premier long métrage de fiction sent la liberté à plein nez. Malgré un budget modeste, le projet est d’une tendre originalité, expérimental comme du Chris Marker (avec chat à l’appui) et débordant d’énergie.
Un film bâti comme un casse-tête, se fabriquant au fur et à mesure de l’exposition de photographies de l’héroïne, qui parle d’anxiété par le biais de petits objets détruits.
Pour traiter des thèmes sociologiques qui lui sont chers (la course au succès, le culte de la performance), la réalisatrice et scénariste s’est mise en scène en interprétant une jeune adulte qui filme constamment son quotidien. Elle utilise d’ailleurs des cadrages élaborés rappelant ceux de Chantal Akerman, et qui évoquent la solitude, l’aliénation.
«Je n’ai pas envie de faire beaucoup de compromis dans mes films. Mais en même temps, pour moi, faire des compromis n’égale pas plaire à tout le monde. On peut viser un grand public et le faire à sa façon.»
«Une fois qu’on a décidé de travailler avec une caméra subjective, ça nous a imposé une contrainte avec laquelle j’ai tellement aimé travailler, se rappelle la cinéaste, rencontrée à la Cinémathèque québécoise. Après, tout est possible. Tu mets la caméra dans un coin et tu peux faire une scène au complet qui est hors cadre.»
Cette façon de jouer avec les attentes des spectateurs est bercée de fantaisie, de poésie et d’un humour décalé dans la veine de celui de Stéphane Lafleur. Les clins d’œil sont nombreux, et on ne verra plus jamais les déneigeuses de la même façon.
«On a monté le film on et off pendant un an, éclaire Sophie Bédard Marcotte, à qui on doit également le documentaire J’ai comme reculé, on dirait. C’est une immense liberté. C’est important de continuer de penser le film… Le degré d’humour a évolué au cours du montage, et c’était important pour moi de relativiser ce que vit le personnage principal. Je pense que, dans le monde où on vit, on n’a pas le choix de prendre un peu de distances face à nos petits drames, nous en tant que gens privilégiés.»
Intro
Partir en trombe
Il faut remonter loin dans l’histoire du cinéma québécois pour retrouver une séquence d’ouverture aussi délirante que celle de Claire l’hiver.
Avec ses images bricolées à la Michel Gondry, la musique faussement alarmante de Dvorak et le montage volontairement kitsch, façon Sailor Moon, il a tout pour piquer la curiosité.
«C’était important de commencer ainsi, assure la cinéaste Sophie Bédard Marcotte. Je pense que ça ajoute beaucoup à l’autodérision. Le fait de présenter le personnage principal comme si elle était le héros de sa propre vie, alors qu’on s’entend que c’est plutôt un antihéros.»