L’été ne sera pas de tout repos au Théâtre du Nouveau Monde. Après un triomphe à Paris, la pièce Edmond est mise en scène à Montréal par le prolifique Serge Denoncourt.
La comédie du jeune auteur Alexis Michalik retrace l’histoire abracadabrante derrière la création de la pièce Cyrano de Bergerac.
Décembre 1897. Personne ne croit en Edmond Rostand lorsqu’il entame l’écriture d’une comédie en vers. En panne d’inspiration depuis deux ans, le jeune dramaturge accepte en dernier recours une commande de la grande Sarah Bernhardt. Trois semaines avant la première, il n’a que le titre: Cyrano de Bergerac.
Gagnante de cinq prix Molière, l’équivalent des Oscars pour l’art dramatique français, Edmond d’Alexis Michalik a fait salle comble pendant deux ans à Paris. Parmi les spectateurs, Serge Denoncourt a succombé au charme de la pièce, si bien qu’il décide de l’exporter au Théâtre du Nouveau Monde pour la saison estivale.
Ce n’est pas la première fois que le metteur en scène se plonge dans l’univers de Cyrano de Bergerac, pièce qu’il a mise en scène en 2014 lors du festival Juste pour rire. Cette fois-ci, il se glisse dans la peau du créateur. «C’est un hommage au théâtre très drôle, écrit comme un Feydeau», explique Serge Denoncourt, en faisant référence au célèbre auteur de vaudevilles.
Marathon théâtral
Les enchaînements entre les tableaux relèvent de l’exploit. Dans la tradition du théâtre de troupe, 12 comédiens interprètent 60 rôles dans 80 lieux différents, un tour de force scénique qui demande beaucoup d’endurance et de rapidité d’exécution.
François-Xavier Dufour tient le rôle principal d’Edmond Rostand. «Vous allez découvrir un des plus grands acteurs du Québec», affirme Serge Denoncourt. Plusieurs comédiens de talent tels que Émilie Bibeau, Mathieu Quesnel et Catherine Proulx-Lemay lui donnent la réplique. «Je m’entoure de bons acteurs, c’est pourquoi je ne me casse pas la gueule souvent.»
Et pour cause, Serge Denoncourt compte 130 mises en scène derrière lui. «C’est trop, s’exclame-t-il, même s’il ne compte pas ralentir la cadence. J’ai du plaisir, mais c’est fou. Un metteur en scène français fait beaucoup de pièces s’il en fait tout au plus 40, car un spectacle en France peut durer plus d’un an, ce qui est rare au Québec. Ici, on forme des athlètes de la mise en scène du jeu.» Cette particularité sert bien des pièces décoiffantes comme Edmond.
Après avoir monté Roméo et Juliette, Les fourberies de Scapin, puis Andromaque de Jean Racine, Serge Denoncourt est convaincu de la nécessité de voir et de revoir les classiques. «L’être humain ne change pas, les rapports ne changent pas. S’il est talentueux, le personnage historique est souvent plus proche de notre réalité que les contemporains du spectateur.»
On a ici toutefois affaire à une pièce écrite par un jeune auteur de notre époque. En replongeant dans l’histoire vraie derrière la fiction, le metteur en scène s’est demandé: «À quel moment un classique devient-il classique?»
«Si on ne fait pas Edmond, on ne punit pas Juste pour rire, mais bien le public et la scène culturelle montréalaise.» – Serge Denoncourt, à propos de l’affaire Rozon qui a entaché la marque Juste pour rire
Les artistes avant tout
Malgré la controverse qui a balayé Juste pour rire cet hiver, Serge Denoncourt a tenu à respecter ses engagements pour les productions Les choristes et Edmond. «Je ne voulais pas rencontrer Gilbert [Rozon], mais je ne voulais pas tuer une compagnie québécoise. Seul l’homme qui commet une erreur doit être puni, non les acteurs et les humoristes qu’il représente, sans parler de tous les autres professionnels de la scène. On était prêts à jeter le bébé avec l’eau du bain et je n’étais pas d’accord avec ça.»
Edmond, une pièce d’Alexis Michalik mise en scène par Serge Denoncourt. Dès jeudi et jusqu’au 11 août au Théâtre du Nouveau Monde