Willem Dafoe a pratiquement tout joué au cinéma, même Jésus. Voici qu’il se métamorphose en Vincent Van Gogh dans At Eternity’s Gate.
Quelques légendes du septième art ont déjà incarné le peintre néerlandais, dont Kirk Douglas, et même Martin Scorsese dans Rêves, d’Akira Kurosawa. Mais personne ne l’a fait comme Willem Dafoe, qui à 63 ans, prête ses traits à cette figure imposante au crépuscule de son existence, alors que le peintre est âgé de 37 ans.
«C’est comme pour n’importe quel personnage qui a existé : tu dois oublier qui tu joues et le vivre, confie au bout du fil le comédien. C’est important de faire une œuvre d’art avec un tel sujet.»
Celui qui s’est retrouvé en nomination aux Oscars en début d’année pour The Florida Project pourrait y retourner avec ce portrait troublant de vérité et de ressemblance, qui lui a d’ailleurs valu le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise.
Dans At Eternity’s Gate, l’acteur passe d’un seul coup de pinceau de la lucidité au délire, montrant des couleurs nouvelles de l’homme.
«C’est ce qui est intéressant avec Van Gogh, note-t-il. On pense connaître plein de choses sur lui. Mais plusieurs questions restent en suspens, en tout cas suffisamment pour qu’on les imagine.»
Vincent Van Gogh se lie ainsi d’amitié avec le peintre Paul Gauguin (Oscar Isaac), avant de s’installer à Arles grâce à l’argent de son frère Theo (Rupert Friend) et de multiplier les chefs-d’œuvre… et les rencontres insolites (avec des personnages campés notamment par Mads Mikkelsen, Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Niels Arestrup).
Le résultat aurait pu être un simple film biographique comme il y en a tant. Mais le peintre et cinéaste Julian Schnabel (Le scaphandre et le papillon) en a décidé autrement, créant une véritable toile impressionniste, aussi immersive qu’intimiste, qui évoque un rêve éveillé.
«J’aime les films qui nous défient et qui nous changent. C’est l’essence même de l’art. Parfois, le divertissement est une distraction, mais ça devrait être quelque chose qui nous réveille, particulièrement dans la façon dont on mène nos vies.» – Willem Dafoe, acteur
«On est vraiment dans les souliers de Vincent, avec ses humeurs et ses visions, explique l’acteur, réputé pour ses rôles de méchants. Julian m’a appris à peindre et on s’est entourés de nature. Ce fut d’ailleurs un processus très organique. À partir du script [auquel a participé le grand Jean-Claude Carrière], on partait à la recherche du film pendant le tournage, en se laissant inspirer par les lieux où Van Gogh a vécu.»
Une expérience radicale, même pour celui qui s’est souvent retrouvé dans les univers singuliers de Paul Schrader, d’Abel Ferrara, de Lars von Trier et de Wes Anderson.
«C’était quelque chose, avoue Willem Dafoe, qui avait fait des apparitions éclairs dans les précédents Miral et Basquiat de Schnabel. Mais être en contact avec ce que Van Gogh a vu et peint permet de le saisir autrement. C’est comme un début de dialogue, on touche à une forme de poésie.»