Le Cirque du Soleil investit le Centre Bell pour la période des Fêtes avec une valeur sûre. Treize ans après sa première, la fresque bohème Corteo a de nouveau conquis le public.
On peut difficilement cerner l’époque dans laquelle se déroule Corteo. Tout ce qu’on sait, c’est qu’un clown au crépuscule de sa vie s’évertue à transformer son corbillard en parade festive pour charmer les anges qui s’apprêtent à l’accueillir. Son aventure rocambolesque explore la part de fragilité du genre humain.
Depuis sa première mouture en 2005, le spectacle Corteo, conçu par Daniele Finzi Pasca, a parcouru 64 villes et attiré plus de 8 millions de spectateurs avant d’être ressuscité pour une seconde tournée.
Les acrobates gravitent entre ciel et terre sur deux plateaux tournants, dans une configuration où le public se retrouve en tête-à-tête, une première dans l’histoire scénique du Cirque du Soleil. C’est que l’interaction avec le public occupe une place centrale dans plusieurs numéros, comme celui où une petite clownesse s’élance à la rencontre des spectateurs, portée par des ballons gonflés à l’hélium.
Malgré lui, l’orchestre vole la vedette aux acrobates. À la manière d’un cabaret, il enlace la scène à la hauteur du public. Inoubliable et enveloppant, le timbre de la musique, tout particulièrement les arrangements de guitare classique et de violon, évoque l’intensité du tango tout en accentuant les prouesses accomplies.
Corteo, ou «cortège» en italien, nous plonge dans une parade festive où les personnages et les créatures se confondent dans une effusion d’étoffes et de nostalgie. Le spectacle flotte entre le cirque de rue et le salon rococo. Sur le carré de sable de la comédie, la mise en scène et le décor débordent d’une esthétique détaillée qui rappelle les motifs du Moulin Rouge.
Les tableaux suivent le fil conducteur du jeu et de la spontanéité avec un naturel désarmant. Comme le veut l’art clownesque, l’anglais, le français et l’italien se mélangent, mais certains clins d’œil comme celui fait à Chibougamau nous rappellent qu’on se trouve bien à Montréal.
Difficile de ne pas retrouver son cœur d’enfant avec des numéros ludiques comme la bataille d’oreillers où les lits des gamins se transforment en trampolines. Soulignons aussi la douce mélodie des bols tibétains et la valse sous une pluie de confettis dorés. Ces scènes attachantes pourraient très bien se retrouver dans les boules enneigées qui décorent les chambres d’enfants.
Beau, bon et prévisible
Il est ironique de voir une compagnie comme le Cirque du Soleil, qui a fondé son succès sur l’innovation, proposer des numéros dans les règles de l’art et en tous points traditionnels. On effleure néanmoins le thème de la mort avec toutes les allusions au paradis, un sujet rarement abordé dans la comédie clownesque.
Cela dit, Corteo résiste bien à l’épreuve du temps, car la nostalgie qui imprègne son histoire n’a pas d’âge. Quoique simples, ses canevas enchanteurs correspondent au rêve que le cirque aspire à susciter chez petits et grands.
On émerge ainsi de Corteo enchanté, dans la mesure où le spectacle correspond parfaitement à ce qu’on attend d’un spectacle de cirque. Si la production ne redéfinit pas la discipline circassienne, elle offre néanmoins une évasion tranquille qui a tout pour apaiser les esprits échauffés par l’année qui tire à sa fin.