L’artiste montréalais Victor Arroyo prend la parole au Centre canadien d’architecture (CCA) jeudi pour rappeler l’importance des revendications sociales suscitées par le projet du nouvel échangeur Turcot. La reconstruction de cette méga-structure autoroutière, qui entraînera la relocalisation d’une centaine de résidants du quartier Saint-Henri et des dépenses de 3 G$, doit débuter en 2013.
Vu l’ampleur des travaux à venir dans le secteur, M. Arroyo dénonce le peu d’intérêt accordé aux organismes citoyens exigeant un projet soucieux du développement humain et des enjeux environnementaux. «Les politiciens ne perçoivent l’échangeur que comme un lien important entre le sud et le nord, entre Montréal et les banlieues, etc. La circulation des véhicules et des marchandises a préséance sur les besoins de la population», explique le vidéaste.
Il rappelle que de nombreux regroupements, dont Mobilisation Turcot, ont fait valoir dans les cinq dernières années des améliorations au plan proposé par le ministère des Transports du Québec (MTQ), sans succès. Le Parti québécois, qui avait promis des changements au plan du nouvel échangeur Turcot dans la foulée des dernières élections, n’a toujours rien annoncé de majeur. «Avec la réduction des effectifs au MTQ, l’expertise est déléguée au privé, projet par projet, sans un plan d’ensemble axé sur le développement durable. On mesure mieux maintenant les écueils d’une telle approche», commente le professeur d’urbanisme à Concordia, Pierre Gauthier, qui s’exprimera également jeudi au CCA. Ses recherches ont largement inspiré les propositions du groupe Mobilisation Turcot.
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Afin d’élaborer une installation vidéo témoignant des impacts de Turcot dans le paysage montréalais, M. Arroyo a passé plusieurs semaines à saisir des images de l’échangeur, en plus de côtoyer un des résidants du quartier pendant toute une année. L’œuvre, intitulée Récits de déplacements, fait partie de l’exposition ABC :MTL présentée actuellement au CCA. «Il ne faut pas oublier que c’est la deuxième fois que des gens sont déplacés pour Turcot. Deux quartiers sont complètement disparus lors de la construction de l’échangeur et de l’autoroute Ville-Marie dans les années 1960, note M. Arroyo. Les chiffres officiels sont contestés, mais on parle de milliers de gens qui ont dû être relocalisés.»
L’artiste regrette qu’une telle situation se reproduise près de 50 ans plus tard, alors que des idées et des conceptions nouvelles pourraient être mises de l’avant.«Pourquoi les gens de Saint-Henri sont-ils déplacés plutôt que les habitants de Westmount? Saint-Henri a subi toutes sortes de négligence au fil des ans, mais les intérêts économiques derrière le projet s’en moquent complètement», s’indigne M. Arroyo.
Couper dans le gras
En octobre dernier, le groupe Mobilisation Turcot a proposé une «Cure minceur» pour le nouvel échangeur. Le plan proposait cinq grandes améliorations au projet du MTQ, dont la réduction du nombre de bretelles, des voies réservées pour le transport collectif et le report de la reconstruction de la partie ouest de l’autoroute Ville-Marie, qui diminueraient le coût des travaux de moitié.