Alice (Veerle Baetens) et Céline (Anne Coesens) sont les deux meilleures amies du monde. Elles coulent des jours heureux dans une banlieue cossue de Bruxelles, entourées de leurs époux et de leurs fils. Jusqu’au jour où un accident vient tout changer…
Les personnages semblent tout droit sortis d’un cauchemar de Roman Polanski, et l’esthétique flamboyante rappelle un opus de Douglas Sirk. Puis, il y a ces amples plans de caméra, ces fausses pistes, cette tension qui va en crescendo et cette dualité entre les héroïnes blondes et brunes : autant d’éléments qui évoquent le maître du suspense.
«Je n’ai jamais été tétanisé par Hitchcock, contrairement à un Stanley Kubrick, raconte le cinéaste, rencontré lors des Rendez-vous du cinéma français, à Paris. Il est un virtuose sur plein de choses, mais son œuvre n’a pas toujours bien vieilli. S’il y a quelqu’un dont on devrait faire des remakes de ses films, c’est bien lui.»
Duelles n’est pourtant pas qu’un simple hommage, élégant et racé. Comme dans ses précédentes créations (Illégal, Cages), le réalisateur belge cherche à pousser le constat social, créant au passage un long métrage à saveur féministe.
«Mon intention était de faire un exercice de style qui atteint quand même l’émotion. Ce qui m’intéressait, c’est qu’à la fin, on soit à moitié ému et effrayé.» Olivier Masset-Depasse, réalisateur et scénariste de Duelles
«Je ne pense pas qu’Alice partirait dans ce délire si elle avait un job, explique celui qui a adapté le roman de son amie Barbara Abel. L’oisiveté amène quelque chose de rance. Les années 1960 permettaient de montrer ces deux beaux oiseaux coincés dans une prison dorée.»
Des protagonistes qui ne savent plus comment réagir lorsque le malheur éclate, n’hésitant pas à imiter Orphée afin de secourir leur progéniture.
«Pour moi, l’instinct maternel, c’est pas loin d’un super pouvoir, admet le metteur en scène. C’est quelque chose qui me fascine, qui m’obsède. Je suis papa, j’ai deux enfants et j’essaie de comprendre, de percer ce mystère chez les femmes. Pour Illégal, j’avais interrogé beaucoup de femmes qui avaient traversé la Méditerranée seules avec leurs enfants, et elles étaient prêtes à tout, du moment que leurs enfants vivent.»
Entre sa propension à psychologiser et son pur désir de divertir, Olivier Masset-Depasse refuse de choisir. Il étale ses obsessions à l’écran, faisant ressortir la noirceur de ses paysages ensoleillés, tentant de se rapprocher du travail des réalisateurs contemporains qu’il affectionne le plus, Denis Villeneuve en tête de liste.
«Je trouve qu’il réinjecte un peu des années 1970 dans le cinéma contemporain, avance son admirateur. Il me fait penser aux premiers cinéastes qui m’ont donné le goût de faire du cinéma. C’était des gens du Nouvel Hollywood comme Scorsese, Coppola et Spielberg. L’idée était de faire du cinéma accessible, mais avec une vision d’auteur. C’est ce à quoi je m’applique.»