Katherine Levac animera ce soir son premier gala Juste pour rire, en formule carte blanche. À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, s’il vous plaît. Pas mal pour une fille «qui n’a jamais rien animé».
«C’est pas juste la première fois que j’anime un gala, c’est la première fois que j’anime quoi que ce soit. D’habitude, les gens commencent au Bordel, pas à la Place des Arts!» fait remarquer avec justesse l’humoriste qui vient tout juste de fêter ses 30 ans. La jeune femme n’est pas intimidée pour autant de présenter devant les milliers de spectateurs de cette salle mythique «son» spectacle, qu’elle qualifie de «grande fête d’amour».
Douce, à l’image de son premier spectacle solo Velours, Katherine Levac dégage, même en entrevue téléphonique, une confiance tranquille et une bonté rassurante.
Une gentillesse qu’elle mettra ce soir au service de ses invités soigneusement choisis : notamment Rosalie Vaillancourt, Arnaud Soly, les Denis Drolet, Phil Roy, France Castel (manifestement dans sa catégorie «idole») et même Martin Carli, coanimateur du quiz scientifique Génial! (son petit côté «La science l’emporte!»).
Des invités qui auront chacun droit à une présentation personnalisée, qui, on n’en doute pas, sera préparée avec amour et minutie. «Je veux expliquer au monde pourquoi j’avais envie qu’ils soient là. Je ne suis pas gênée de mon spectacle, je suis très, très fière de mes invités. […] Ce sont tous des gens devant qui je fais :
“Miam miam.”»
Qu’est-ce qui te motivait à l’idée d’animer un premier gala Juste pour rire?
On m’a approchée, parce que je n’aurais jamais pensé faire ça de mon plein gré. J’avais le complexe de n’être pas assez énergique ou bubbly sur scène. Il y a des gens qui parlent fort et qui sont très entraînants. Moi, mon style est vraiment plus relax. C’est vraiment du stand-up, je ne bouge pas beaucoup, c’est très petit. J’étais un peu complexée par rapport à l’animation, je me disais que je n’étais pas capable. Mais par la suite, j’ai vu quelqu’un comme Yannick de Martino animer un gala au Grand Montréal Comédie Fest et ça marchait. Je m’accroche à des exemples comme celui-là.
Je me dis que les gens qui vont venir seront là pour me voir moi, pas pour voir quelqu’un courir sur la scène et faire des pirouettes. Chaque soir dans mon propre show, les gens m’écoutent quand même durant une heure et demie. Alors, je peux le faire en animant. Je ne suis plus dans les complexes, je sais que c’est possible; j’en suis capable et j’ai vraiment envie de faire ça.
Comment s’est faite la sélection des invités?
Il y a trois sortes d’invités dans mon show. Premièrement, des gens que j’ai envie de faire découvrir, comme Sam Boisvert [qui a fait plusieurs fois la première partie de Velours], Anas Hassouna, Alexandre Bisaillon. Ce sont des gars que j’aime beaucoup, j’ai envie que les gens découvrent, parce que ce sont des humoristes vraiment brillants et magnifiques.
Il y a aussi mes amis proches comme Arnaud Soly, Rosalie Vaillancourt, Phil Roy, Sam Breton. Ce sont des gens que je trouve bons et talentueux, mais ce sont mes amis, j’ai envie de faire la fête avec eux, qu’ils soient là ce soir-là.
Et il y a mes idoles, comme les Denis Drolet, qui sont mes humoristes préférés. Je suis vraiment ravie qu’ils soient là, je capote. J’aime vraiment ça travailler avec Sébastien Dubé [le Denis barbu, qui signe la mise en scène de Velours], mais il y a une petite partie de moi qui est encore groupie. Je les adore. Même chose pour Laurent Paquin, qui fait partie de cette gang qui est restée et qui a su se réinventer. Et pour qui le stand-up, c’est vraiment une passion. C’est un modèle pour moi.
Qu’est-ce que tu aimes chez les autres humoristes?
J’aime ça quand je ne suis pas dans l’analyse. C’est peut-être pour ça que j’aime les Denis Drolet. Si je regarde n’importe quel autre humoriste, j’examine ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Tandis que les Denis, eux, me surprennent. Ce qui me fait rire, c’est la surprise. C’est ça, l’humour. Rosalie Vaillancourt réussit aussi à aller chercher ses petits fils là dans mon cerveau. Quand je la vois sur scène ou que joue avec elle, je deviens spectatrice. Parce que justement, c’est surprenant, ce n’est pas planifié. Tout ce que moi je ne suis pas capable de faire, ça me fait vraiment rire. Ça me fait rire le monde qui tombe par terre aussi.
Il n’y a pas si longtemps, on te classait parmi la relève. Aujourd’hui, est-ce que tu considères que tu es arrivée à maturité en tant qu’humoriste?
Je ne sais pas si un jour je vais trouver que je suis arrivée à maturité dans mon métier. J’ai plus confiance, je pense. Confiance en moi, mais confiance aussi dans le fait que si ça ne marche pas, ça va aller, je ferai autre chose. J’ai confiance même si j’échoue, dans un sens. Et la conscience que tout n’est pas pour moi. J’ai assez de confiance pour dire non et faire les choses pour moi. Au début, c’est dur de dire non, et tu t’éparpilles un peu. Mais maintenant, je suis capable de dire non. C’est un grand luxe dans ma vie et je suis ben contente.
«Je suis pas sortie de la relève. Peut-être parce que je ne veux pas grandir; je suis comme Peter Pan.»
Katherine Levac, à propos de son amour pour la scène humoristique émergente. «Je ne serai jamais rendue ailleurs que de tester une heure de stock à ZooFest. Pour moi, il n’y a pas de plus gros ou de plus petits festivals. Que les gens se déplacent pour me voir à la Place des Arts, c’est la même chose que la première fois que j’ai fait un show au Monument-National. Sur mon échelle de réussite, c’est la même affaire.»
Dans Velours, tu dis souvent que ta vie est plate, ou, à tout le moins, moins rocambolesque que d’autres. Trouves-tu que c’est encore vrai?
Ben oui, ma vie est plate. Mais je m’arrange pour que ce soit de même. Il y a du monde qui a des anecdotes de tournées pas possibles, mais moi, en tournée, je joue à Scattergories, je mange des Christie’s Mini. C’est ça, ma tournée. Je suis avec mes frères [qui sont ses techniciens], on est ensemble, vraiment relax. On est gênés. Je pense que j’assume ce côté-là de moi. J’adore ça avoir une petite vie rangée, aller au gym le matin, arroser mes plantes. Je me sens bien là-dedans. Je suis très plate et je pense que j’aime ça.
On t’a vue au défilé de Saint-Jean à Montréal avec le drapeau franco-ontarien. Tu fais également un numéro sur la langue française en Ontario. Pourtant, on ne t’associe vraiment pas à l’humour engagé ou politique. Qu’est-ce qui te donne envie de parler de sujets comme ceux-là?
Quand j’écris, je ne me demande jamais : quel est le message derrière ça? Alors, pourquoi m’associer à ça? Je pense que c’est juste le désir d’être comprise. Quand je fais ce numéro sur la réalité du français en Ontario, sur la fragilité de cette langue, je ne manifeste pas. C’est avant tout un désir de me sentir comprise, ce qui est la base de l’humour pour moi. C’est drôle, Paidge Beaulieu, c’est drôle, l’accent ontarien, rions, rions, mais je trouve ça cool d’expliquer pourquoi ça se passe de même et la vraie réalité par rapport à ça.
Je ne vis plus en Ontario depuis 10 ans, mais mes amis et ma famille sont encore là. C’était le fun de marcher avec eux. Je le voyais comme un geste positif et festif plutôt que revendicateur. Dans la vie, je ne suis pas militante, ça ne fait pas partie de moi. Je ne suis pas leader. Je me trouve parfois dans une position de leader et je me demande alors ce que je fais là. Ce n’était pas un geste politique. Même si dans les faits, ce l’est.