Actrice française à la beauté majestueuse qui a tourné avec les plus grands cinéastes, Marie Laforêt est décédée samedi à Genolier en Suisse, à l’âge de 80 ans. Elle avait aussi été une chanteuse très en vogue, avec des tubes pleins de charme, comme Les vendanges de l’amour ou Viens, viens.
Surnommée «la fille aux yeux d’or» (en fait, ils étaient jaunes-verts), elle a joué dans 35 films et vendu plus de 35 millions d’albums, au long d’une existence bien peu rectiligne.
«Ma carrière est de bric et de broc mais ma vie est remplie du début à la fin», assurait celle qui, mariée cinq fois, fut aussi actrice de théâtre, écrivain, antiquaire et commissaire-priseur.
Marie Laforêt était une personnalité complexe, intello pas du tout féministe, à la fois modeste, snob et gouailleuse, dotée d’un humour corrosif. «J’aime bien les gens qui ont une angoisse», indiquait-elle. De son physique exceptionnel, traits purs et sensuels, cheveux longs romantiques, elle affirmait qu’il ne lui avait pas toujours porté chance.
Maïténa Doumenach, son vrai nom, naît le 5 octobre 1939 à Soulac-sur-Mer (Gironde), fille d’un industriel. À l’âge de 3 ans, dira-t-elle 35 ans plus tard, elle est violée par un voisin: «impossible d’en parler pendant des décennies».
«Sans ce viol, soulignera-t-elle, je n’aurais pas fait un métier public qui allait à l’encontre de ma timidité naturelle. J’ai choisi un métier exutoire».
Jeune fille, elle est attirée par le couvent mais se passionne pour le théâtre au lycée, à Paris, puis remporte un concours d’actrice, organisé par Europe 1, en 1959. Un an plus tard, elle apparaît au cinéma au côté d’Alain Delon dans Plein soleil (de René Clément) puis, en 1961, dans La fille aux yeux d’or (tiré d’un roman de Balzac), de Jean-Gabriel Albicocco qu’elle épousera.
Elle joue ensuite dans Joyeuses Pâques et Flic ou voyou de Georges Lautner, avec Jean-Paul Belmondo, Les morfalous d’Henri Verneuil, La chasse à l’homme, d’Edouard Molinaro, Fucking Fernand, de Gérard Mordillat (nominée pour le César du meilleur second rôle féminin), Tangos, l’exil de Gardel, de Fernando Solanas (prix du jury 1985 à Venise) etc. Elle a aussi été dirigée par Chabrol, Granier-Deferre, Deville, Mocky et d’autres.
Marie Laforêt, «un timbre»
En 1963, sort son premier 45 tours: Les vendanges de l’amour, écrit par Danyel Gérard. C’est le succès et les tubes vont s’enchaîner: Ivan, Boris et moi, Il a neigé sur Yesterday (chanson-hommage aux Beatles), Viens sur la montagne, Marie douceur, Marie colère, Que calor la vida etc. Elle puise son inspiration dans les folklores américain et européen.
Tout en se tenant à l’écart du show-biz, elle remplit l’Olympia en 1969, tourne dans le monde entier. «Je n’ai pas une voix, j’ai un timbre», notait-elle pourtant, minimisant son talent personnel et ajoutant, comme pour bien montrer qu’elle n’était dupe de rien, ne pas «avoir honte de faire ce que je fais: interpréter au premier degré des chansons populaires».
Petit à petit, elle renonce aux enregistrements, privilégie l’écriture (elle écrit ses propres chansons mais aussi un livre remarqué: Contes et légendes de ma vie privée), s’installe à Genève (elle aura la double nationalité franco-suisse) où elle tient une galerie d’art.
En 1994, elle publie une compilation de ses chansons en quatre volumes, parcourant ses 30 ans de carrière. Elle fait aussi du théâtre: en 2000, elle interprète une bouleversante Maria Callas (nominée aux Molières, récompenses française du théâtre).
Marie Laforêt fait parler d’elle en 2002 pour d’autres raisons qu’artistiques: liée par un de ses époux à la famille de Didier Schuller – ancien directeur de l’office HLM des Hauts-de-Seine en France et condamné dans une affaire de financement occulte. Elle témoigne de sa peur dans l’émission de Thierry Ardisson, sur Canal + et en tire un livre: Panier de crabes.
Sa fille, Lisa Azuelos, réalisatrice du film LOL (avec Sophie Marceau), ne cachait pas de difficiles relations avec sa mère, laquelle, de son côté, admettait avoir été parfois trop absente avec ses enfants.