L’Arctique se métamorphose bien plus vite qu’on ne voudrait le croire. Témoin privilégié de ces changements, le plongeur et vidéaste Mario Cyr a raconté à Métro son expérience durant le tournage du film Odyssée sous les glaces.
Une banquise sous les eaux. Cette réalité dépeinte dès les premiers instants d’Odyssée sous les glaces, film documentaire réalisé par Denis Blaquière en 2018, donne froid dans le dos.
Pour le plongeur expérimenté et vidéaste Mario Cyr, le phénomène est inédit. «En 30 ans, ça a changé du tout au tout. C’est fou! raconte celui qui s’est rendu une quarantaine de fois en Arctique depuis 1991. Avant les années 2000, la glace était solide, il ne pleuvait pas et jamais je ne l’avais vue recouverte d’eau, même en plein été.»
«Ce n’est pas être défaitiste, mais réaliste. On n’a plus le choix, on ne peut pas rester la tête dans le sable et ignorer les changements climatiques. Les prévisions des scientifiques, auxquelles personne ne croyait il y a 30 ans, ont aujourd’hui été dépassées. La situation est bien pire que ce qu’on aurait pu imaginer, et le restera.» Mario Cyr
Pendant plus d’une heure, Odyssée sous les glaces suit les pérégrinations de Mario Cyr et de son acolyte Jill Heinerth, elle aussi aventurière de la plongée, dans l’Arctique, du Nunavut au Groenland. Lui a été l’un des premiers à nager avec des ours polaires et des morses; elle s’est rendue sous des icebergs et dans des grottes sous-marines, là où presque personne ne se risque jamais.
Leur objectif avec ce documentaire? Que les gens prennent conscience de l’urgence de la situation et sachent à quoi il faut s’attendre.
Une agonie sous nos yeux
Si certains peuvent encore en douter, le processus de la fonte des glaces en Arctique est bel et bien enclenché. Et aucun retour en arrière ne semble possible. Dans les 40 dernières années, la surface de la banquise a diminué de deux tiers. Mario Cyr, qui est aussi caméraman et coproducteur du documentaire, souhaite avant tout «montrer la vraie nature des choses». Expliquer les faits par le visuel, et pas uniquement par la preuve scientifique, est donc un choix assumé «pour que chacun comprenne bien l’impact des changements climatiques, qu’on ait 10 ou 75 ans».
À la lisière des glaces, dans le détroit de Lancaster, les images sont éloquentes, c’est le moins qu’on puisse dire. Baleines boréales, bélugas, narvals… Sous et hors de l’eau, l’écosystème grouille de vie. Mais celui-ci tout entier, du phytoplancton aux prédateurs, est désormais menacé par l’inéluctable fonte des glaces.
«Avant, on était capable de prévoir la présence d’animaux à certaines périodes de l’année, mais maintenant, ce n’est plus possible. Même les Inuit sont déboussolés par les changements climatiques en Arctique», prévient Mario Cyr.
Érigé en symbole, l’ours polaire est le premier à subir de plein fouet la disparition des glaces. «Les ours souffrent parce que la banquise, qui est leur territoire de chasse, a dramatiquement diminué», précise-t-il.
«Avant, je n’avais jamais vu d’ours polaire mort lors de mes expéditions, mais depuis 15 ans, c’est systématique. De la nourriture, il y en a pourtant, mais la fonte a tout bouleversé. Ils doivent maintenant passer un mois de plus sans manger», confie Mario Cyr, qui estime que l’ours polaire, de par son intelligence et sa force, est le «plus bel animal».
Des conséquences à Montréal
L’Arctique se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète. Celui qui a cette région «tatouée sur le cœur» ne manque pas d’exemples pour avertir de la catastrophe annoncée. Les 1er et 2 juin, il faisait 21 °C à Alert – village du Nunavut et lieu habité le plus au nord du globe – c’est 20 degrés au-dessus de la moyenne. «On n’a jamais vu ça. Pour moi, ces glaces vont disparaître dans 30 à 40 ans». Le constat est accablant.
«L’Arctique, tout comme l’Antarctique, régule la température sur Terre, mais aussi ce qu’on appelle le courant-jet et le Gulf Stream», rappelle le plongeur en eau glacée.
Le documentaire réussit à illustrer concrètement les conséquences de la fonte des glaces associée aux changements climatiques sur nos modes de vie à des milliers kilomètres de la banquise.
Au-delà de l’élévation du niveau des océans, «la fonte des glaces ralentit le courant-jet, ce qui crée des ondulations et entraîne des températures extrêmes là où il ne devrait pas y en avoir. C’est ce qui s’est passé l’hiver dernier à Montréal, et partout ailleurs au Québec, avec la vague de froid polaire. Il n’a jamais fait aussi froid, aussi longtemps. Et c’est pour la
même raison qu’il faisait si chaud à Alert en juin dernier.»
Mario Cyr ne sera jamais à court d’arguments pour nous rappeler que les changements climatiques sont bien loin d’être un mythe.
Odyssée sous les glaces
À l’affiche le 8 novembre au cinéma du Musée.
Mario Cyr présentera le documentaire lors de la séance de 19h. Une discussion suivra la projection.