Helena Deland sort vendredi un premier album studio, le très intimiste Someone New. Notre journaliste a rencontré l’artiste montréalaise, et ensemble elles ont parlé paranoïa, relations humaines, horoscopes et musique, évidemment.
Le rendez-vous est donné au parc Jeanne-Mance, un après-midi frais et lumineux. La rencontre avec Helena Deland s’engage au son des oiseaux de passage. «J’adore toutes les saisons à Montréal», s’enthousiasme-t-elle. La ville, grâce à ses hivers difficiles, serait propice à l’introspection, paraît-il…
Huit années passées ici et autant de longs temps de réflexion auront bénéficié, pour le meilleur, au processus de création de l’autrice-compositrice-interprète originaire de la ville de Québec. Le résultat, Someone New, éblouit par sa lucidité et sa finesse.
«À quel point est-ce qu’on doit compromettre ce qu’on veut dire pour pouvoir en vivre? Est-ce que ça vaut la peine?» se demandait Helena Deland à l’époque où elle commençait l’écriture de l’album. «Je suis sûre qu’il y a des gens qui ont juste besoin de se lancer, et ça se passe. Mais pour moi ça a été un peu plus compliqué.»
Male gaze
Se poser beaucoup de questions peu parfois s’avérer laborieux… Cela aura permis à Helena Deland d’interroger de manière critique son rapport à la recherche constante de validation et l’inconfort entre la manière dont on fait l’expérience de soi-même et la perception qu’ont les autres. Ces thèmes qui s’imposent à l’écoute de son album évoquent «quelque chose de paranoïaque», dit-elle.
«J’attendais le moment où un évènement allait arriver et qui ferait en sorte que je puisse être moi-même. Ma vie pourrait ensuite débuter. Mais pendant ce temps-là, il y a toutes nos journées qui passent», confie Helena Deland qui parle sans retenue de ses insécurités.
Mais tout cela ne serait-il pas qu’un fantasme, finalement? «Je voulais savoir pourquoi je n’étais pas plus confortable avec moi-même». La réponse, la musicienne l’a trouvée dans la façon dont elle s’était définie par rapport au regard masculin, à la séduction, au désir. «Je me disais qu’il y avait peut-être trop de compromis à ce niveau-là et je me sentais véritablement effacée dans les rapports amoureux», confesse la jeune femme proche de ses émotions.
Maintenant – sûrement parce que le disque l’a aidée à devenir quelqu’un de nouveau – cette angoisse s’est estompée. Peut-être aussi que l’envoûtant Pale aura eu un effet thérapeutique, exorcisant confusion et frustrations liées au male gaze.
Helena Deland pense néanmoins que nous sommes «dans une crise de la féminité et de la masculinité». «On nous a appris que pour nous socialiser, on devait rechercher une famille nucléaire. La grande histoire d’amour qui nous a toujours été présentée dans les films pour enfants et pour adultes cause beaucoup de pression et de déceptions», souffle-t-elle.
Réseaux sociaux et horoscopes
Pour l’artiste, le lieu qui catalyse le plus la paranoïa est la sphère des réseaux sociaux. «On en parle beaucoup mais tous ceux qui sont sur les médias sociaux se créent une persona et pour moi c’est dur d’appréhender ce drôle de monde régi sur la performance et les chiffres. Vouloir à tout prix se faire aimer, c’est devenu trop normal.»
«Je suis plutôt self-conscious, mais j’avais un espèce de pattern d’attachement un peu problématique», poursuit Helena Deland. «On peut être paranoïaque de sa performance sociale sur les réseaux sociaux et même au-delà.»
Ne pas dépendre de l’autre et de son regard, et surtout ne pas être tenue pour acquise, la Montréalaise en parle très bien dans l’excellente chanson Dog, «qui reprend la métaphore du chien populaire dans la musique», et que Métro a pu écouter en avant-première.
«Tout ça, c’est vraiment inscrit dans mon horoscope!», plaisante-t-elle. Même si les sujets qu’elle aborde dans Someone New reflètent une certaine gravité dans laquelle toute une génération peut se reconnaître, Helena Deland n’en perd pas son sens de l’humour.
Amusée, elle raconte: «Ma lune est en cancer, donc il paraît que j’ai souvent l’impression qu’on profite de moi ou de me faire arnaquer. Ça rentre dans la paranoïa générale de l’album.»
Selon elle, l’astrologie est une façon «agréable et poétique» de parler de soi et de percevoir les relations interpersonnelles. «C’est bien pour demander aux autres ce qui les représente le mieux. Veux, veux pas, il y a toujours quelque chose qui ressort de l’horoscope. Et puis, ça nous excuse de certains traits de personnalité», explique-t-elle en riant.
Un autre moyen aussi de cadrer l’épreuve humaine, «qui est sinon tellement multiple et difficile», mentionne Helena Deland.