Culture

Transplantation du coeur: comme un retour à la normale

«Le cœur, c’est le siège des sentiments, on y accorde beaucoup d’importance. Certains y attachent un côté spécial par rapport à la transplantation, comme si le donneur vivait en dedans de toi…» raconte à Métro Gaston Martin. «Sentez-vous ça?» «Non, non, non. Sincèrement… Pas du tout.»

M. Martin a aujourd’hui 67 ans. Il a reçu son nouveau cœur il y a près de 14 ans maintenant. «J’ai eu un cœur, il a été vidé de son sang. Il a été transplanté, ça fonctionne. Même pas eu besoin de lui donner un choc électrique pour partir, il est parti tout seul et puis… J’ai été à l’hôpital même pas trois semaines après la transplantation. Deux mois après, je passais la tondeuse chez nous», confie-t-il au cours d’une entrevue téléphonique qui n’a pas la prétention d’évaluer sa situation de la même façon que les entrevues vidéo du projet de recherche de la Dre Ross et de ses collaborateurs.

Parmi les patients du Dr Michel White, cardiologue attaché à la clinique de transplantation de l’Institut de cardiologie de Montréal, certains vivent la symbolique de la transplantation cardiaque plus intensément que M. Martin. «Il y a des gens qui disent que leur cœur leur parle. Certains veulent absolument retrouver le donneur, alors qu’on garde ça confidentiel pour éviter toutes sortes de réactions. De façon générale, c’est assez silencieux, mais lorsqu’on leur pose la question sur le plan des rêves et des choses comme ça, il y a beaucoup d’activité mentale et d’idéologie par rapport au cœur transplanté.»

Et plusieurs greffés veulent reconquérir le monde, ajoute le Dr White. «À cause des médicaments, les gens sont un peu hyperactifs après la transplantation. Ils veulent en faire beaucoup. On voit ça régulièrement. Mais chaque patient est unique. Des dépressions, des problèmes de cognition, on en voit aussi.»

Si M. Martin a l’impression d’être une nouvelle personne à la suite de sa transplantation, c’est que sa maladie – une cardiomyopathie hypertrophique – avait fini par le rendre invalide. Ayant vécu son premier infarctus à l’âge de 38 ans, et un deuxième 7 ans plus tard, il a été sur la liste d’attente pour une greffe pendant huit mois et demi avant de recevoir un cœur. Dont les 10 dernières semaines hospitalisé, et les 3 derniers jours, inconscient, branché à un ballon aortique qui aidait son cœur à mieux pomper.

Quinze ans de maladie, ça laisse des traces. Son nouveau cœur lui a fourni une nouvelle vie; ç’a été comme un retour à un état «normal», d’avant la maladie. «Je disais en joke que j’avais eu un cœur de femme, parce qu’après la greffe, je pleurais tout le temps. Je suis plus sensible, c’est vrai, mais pas parce que c’était un cœur de femme! C’est peut-être normal, expose-t-il, terre à terre. Quand on est malade 15 ans, ça affecte psychologiquement.»

Tout ne s’attribue pas à la transplantation, précise-t-il. «Je ne dis pas qu’il n’y a pas de downs ou de dépressions, mais c’est vrai pour tout le monde. On va trouver des raisons se rapportant spécifiquement aux greffés, par contre.» Pense-t-il au donneur, ou à la famille du donneur? Bien sûr. Selon lui, plusieurs greffés aimeraient rencontrer la famille du donneur, dans les premières années après la greffe. «Mais ça s’atténue avec le temps. À un moment donné, tu réalises que, si tu n’avais pas eu ce cœur-là, quelqu’un d’autre l’aurait eu.» «Je me considère comme chanceux dans tout ça. J’aurais pu ne pas avoir de cœur, et je ne serais pas ici.».

Du côté des proches

Pour M. Martin, lorsqu’un individu voit son état de santé s’améliorer de façon aussi drastique, les effets psychologiques néfastes sont rares, et les ressources, disponibles en cas de besoin.

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