Pendant leurs vacances, la plupart des gens prennent ça relaxe. Mike Ward, lui, préfère partir sur la route, donner des shows devant des foules éparses, dans des clubs poussiéreux, où personne ne le connaît et où ses gags sont tantôt bien reçus, tantôt, ish… plus ou moins. Dans un délectable docu désormais disponible sur le web, on assiste aux succès et aux déboires de l’humoriste en Europe.
Avec son franc-parler signature, il revient ici sur ses pérégrinations.
Dans Mike Ward le docu, on vous voit en Europe faire des monologues devant des gens qui ne comprennent pas très bien l’anglais ni le français, donner un show devant deux spectatrices aux visages horrifiés, monter sur la scène d’un local qui ressemble à une salle paroissiale… Et tout le long, on se demande: mais pourquoi? Pourquoi vous vous mettez dans des situations pareilles?
Entre mes tournées au Québec, je prends toujours le temps de faire des shows dans de nouveaux pays où je sais que ça ne sera pas évident. Avant les Fêtes, j’ai joué en Haïti, où ils sont super religieux. On s’entend que j’ai le PIRE genre d’humour pour ce pays, mais il y avait de quoi qui m’allumait. Le spectacle avec les deux filles qui ne riaient pas, c’était horrible. Vraiment horrible. En le voyant après, moi aussi je me suis demandé : pourquoi je fais ça? J’en ai pas besoin! Je pourrais juste m’acheter un chalet. Ou un char de course! C’est bon pour personne… mais on dirait que j’ai besoin de ça, humainement.
Une chose qui ressort du film, c’est à quel point vous êtes perfectionniste et à quel point vous aimez votre job. Est-ce que vous mettre dans ces situations vous permet de repousser vos limites?
Oui. On dirait que ça fait en sorte que je continue à aimer ma job. Je l’ai tout le temps dit et c’est vraiment vrai: présentement, mes affaires vont bien, mais quand elles vont aller mal, je vais continuer à faire des spectacles. C’est la seule chose dans la vie que j’aime faire.
À l’écran, vous critiquez les artistes québécois présentés comme des supervedettes à l’étranger, alors que ce n’est pas tout à fait le cas. Vous faites un clin d’œil à Sugar Sammy qui «dit qu’il est une star à Dubaï, mais qui, là-bas, joue dans les restos à côté du bar à pain». Est-ce une des raisons pour lesquelles vous avez fait ce film? Pour en finir avec le mythe?
En fait, quand mon ami Louis [Delisle, réalisateur] m’a appelé pour me proposer de faire un documentaire [sur mon périple en Europe], je venais de voir un reportage sur Ima à TVA dans lequel on disait qu’elle est une star en… je ne me rappelle plus quel pays. On voyait qu’elle faisait des corpos pis des spectacles dans des mariages, mais ils vendaient ça comme si elle était ben big. Pis on fait tout le temps ça! Aussitôt que quelqu’un va jouer une semaine en Suisse, t’as un reportage dans le journal disant que «telle personne est devenue une star en Suisse!» Cri*se, ça prend plus qu’une semaine, devenir une star ailleurs! Donc j’ai dit à Louis: «Je veux que, quand ça va mal, on voie dans le film que ça va mal.» En tant que public, j’aime mieux voir des choses vraies que des menteries. (Et en passant, Sugar Sammy, je l’aime au boutte.)
Vous vous êtes souvent qualifié de «Céline Dion des jokes de graine». Par contre, on voit que durant votre tournée en France vous remplacez ce vocable par de plus conventionnelles «jokes de pénis». Vous êtes-vous senti dépossédé d’une partie de vous?
Non, mais j’haïs ça quand je vois des Québécois arriver là-bas pis changer totalement leur façon de parler! Donc, j’essaye de ne pas faire ça et, en même temps, de me faire comprendre. Je ne me donnerai pas un faux accent, mais je n’arriverai pas avec un accent de Saint-Georges de Beauce non plus.
Parlant de Céline, son nom revient à plusieurs reprises dans le film. Vous dites que lorsqu’elle tourne en Suisse, elle couche, comme vous, sur le plancher de ciment du sous-sol de votre ami. C’est quoi votre relation avec Céline? Est-ce un symbole pour vous?
C’est vrai que je parle souvent de Céline! (Rires) Je pense que pour moi, elle est l’exemple de quelqu’un qui a vraiment réussi. Quand on est allés en Suisse, c’était tellement des conditions nulles à chier que je l’imaginais arriver sur le dos de son chameau et aller coucher dans le sous-sol de ciment.
Dans le film, on vous voit devant plusieurs types de publics, notamment les participants d’Occupation double (alors stationnés à Barcelone). Jouer devant eux, est-ce que c’était un peu comme rentrer à la maison?
Je fais souvent des petits spectacles de même. Sur Facebook, j’ai un concours, et le prix, c’est que je vais faire mon show dans le salon du gagnant. Je trouvais ça drôle d’aller en faire un à Occupation double… Je n’ai jamais vu du monde content de même de me voir arriver! Ça faisait je sais pas combien de temps qu’ils n’avaient vu personne d’autre que tout le temps les mêmes gars et les mêmes filles, donc moi, je suis arrivé là et j’étais une star.
Dans le film et sur scène, vous abordez souvent le thème des enfants que vous aimeriez avoir un jour. Ou pas. C’est d’ailleurs un thème dont traitent plusieurs humoristes. Bill Burr, Louis CK, Amy Schumer, Doug Stanhope… Pourquoi pensez-vous que ce sujet touche autant?
J’haïs ça quand un humoriste qui vient d’avoir un enfant en parle. Il y a quelque chose qui me tape sur les nerfs là-dedans. J’ai l’impression que nous, les humoristes qui n’en avons pas, on parle de ça quasiment pour se justifier. Je ne sais pas si c’est vrai, mais moi, vois-tu, dans [mon précédent spectacle], Mike Ward s’eXpose, j’étais rendu à un point de ma vie où je ne voulais pas d’enfants, mais je me sentais mal d’être à la fin de la trentaine et de ne pas en vouloir. C’est ça qui est le fun de vieillir: bientôt, j’vais être trop vieux, pis personne va me demander «Pis, quand est-ce que tu vas avoir des enfants?»
En parler, ça vous a fait du bien?
Sûrement que ça a fait du bien. Je me sers beaucoup de mon écriture et de la scène comme thérapie. Avec le temps, j’ai remarqué que je suis vraiment rendu zen. Je ne sais pas si c’est le fait de sortir toutes mes bibittes publiquement ou le fait de tout le temps boire. C’est peut-être un mix des deux. (Rires) L’alcool pis la scène m’aident beaucoup.
Sur une note plus triste, vous avez affiché «Je suis Charlie» sur vos comptes Twitter et Facebook. Par le passé, vous avez été partie prenante de nombreuses controverses par rapport à la liberté d’expression. Dans votre dernier show, Chien, vous racontez d’ailleurs une de vos nombreuses mises en demeure pour un gag. On imagine que cette tragédie vous a beaucoup touché.
Oui… Moi, c’était tout le temps des petites niaiseries. J’ai eu des menaces de mort une fois, mais ce n’était pas sérieux. Je trouve ça fou que quelqu’un soit tellement choqué par un gag, par un dessin, qu’il tue une autre personne… C’est vraiment… j’en reviens pas… c’est fou… C’est juste… c’est fou. Je ne comprends pas…
Est-ce que le mouvement Je suis Charlie vous a surpris?
J’étais vraiment content! Vraiment content!!! De voir des millions de personnes dans les rues, c’est quand même impressionnant!
Avez-vous marché aussi?
Non, mais c’est parce que j’étais en Floride, pis en Floride, le monde est trop vieux pour marcher.
«Je suis vraiment content qu’elle sorte son show. J’ai hâte de voir ça! Elle est tellement bonne, chaque fois qu’elle fait des numéros dans mon gala, c’est un hit assuré.» – Mike Ward au sujet de l’humoriste Korine Côté, qu’il a invitée à participer à trois de ses galas Juste pour rire et avec qui il collabore à Cliptoman
Lisez aussi notre entrevue avec Korine Côté.
Mike Ward le docu
En vente au prix de 7$