En cette longue fin de semaine qui est passée en un éclair, la culturellement foisonnante ville de Rouyn-Noranda accueillait la 13e édition d’un des événements les plus singuliers qui soit, à savoir le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue. Nous en avons ramené d’impérissables souvenirs. Parmi eux, les prestations de…
Photo: Louis Jalbert
Julie Blanche
C’est dans la langueur de l’après-midi, et le décor bucolique du Parc botanique à fleur d’eau de Rouyn, que la magnétique Julie Blanche a fait résonner sa pop sombre et sa poésie nocturne.
Devant une multitude de «petites créatures d’amour» (lire: d’enfants) qui dansaient en tournoyant et en tapant des mains (totalement sur le rythme), l’artiste montréalaise nous a bercée des pièces de son premier album, paru au printemps dernier. Parmi elles, la poignante Presque, où elle mesure le nombre de jours de tempête «148 924… sans compter le vent qui arrache la face». Puis Deux visages et son observation qui tord le cœur: «Je t’haïs et je t’aime en même temps.»
En complète harmonie avec ses musiciens, qu’elle a affirmé «aimer d’amour», dont Stéphane Bergeron à la batterie, Cédric Dind-Lavoie à la contrebasse et sa «nouvelle guitariste», Jessie Stein, «qui a appris les tounes en, genre, trois jours», Julie Blanche a notamment puisé dans le répertoire de Philippe B pour offrir une Petite leçon des ténèbres, s’est montrée authentique dans sa livraison et d’une intensité ténébreuse et totale, qui contrastait superbement avec les sourires rayonnants et grands comme ça qui illuminaient son regard sitôt chaque chanson finie. Pur et féerique moment.
Photo: Christian Leduc
Chapelier fou
Dans l’intimité vraiment très intime du joli café-bar L’Abstracto, Louis Warynski, alias le Chapelier fou, accompagné de ses trois musiciens, dont l’impressionnante Camille Momper au violoncelle et au clavier, et le charmant «Chaton» à l’alto, a fait résonner son électro instrumentale éclatée et colorée.
Tandis que les spectateurs s’entassaient partout, partout dans la place («Vous pouvez venir sous les tables!») et lui souhaitaient la «Bienvenue à Rouyn!» entre les morceaux, le multi-instrumentiste trentenaire français qui jongle entre violon, ordi et synthés, a, entre autres, signé deux hommages. Un à ses «chats qui sont morts. Pas brutalement, mais morts quand même», et un autre au classique Vertigo de Hitchcock. Un fou succès.
Photo: Christian Leduc
Philémon Cimon
Philémon Cimon a débarqué à Rouyn non seulement avec un nouvel album, mais aussi avec un nouveau groupe, le Conjunto Chante, pas tout à fait composé d’inconnus. C’est d’ailleurs avec ces quatre musiciens aguerris, dont le coréalisateur, bassiste et mixeur Philippe Brault («Oui Monsieur, c’est important le mix!» a assuré Philémon à un spectateur, qui semblait étonné par la mention), qu’il a interprété l’intégrale de ses Femmes comme des montagnes, un disque qui s’écoute effectivement de 1 à 11, sans pause ni envie de sauter une plage.
Dans une forme splendide, Philémon a rebaptisé son solide guitariste, l’imparable Nicolas Basque, du surnom de «Nick Bach», vite mué en «Nickelback!» Tout de blanc vêtu, ce dernier s’est hissé jusque sur la pointe de ses chics souliers, blancs aussi, pour offrir de sublimes solos.
Habitué des touches d’humour scénique, Philémon a quant à lui lâché sa propre guitare pour s’installer au piano, sur le banc jusque-là occupé par son complice Papacho, le temps de jouer Maudit. Une chanson qui parle de la difficulté d’être fidèle en ces temps de Tinder, et que le musicien montréalais a renommée pour l’occasion Maudine. «C’était le nouveau succès pour les jeunes!» Maudit que c’était beau.
Photo: Christian Leduc
Puts Marie
LE groupe qu’on ne voulait absolument pas louper durant notre FME a effectivement offert, au Cabaret de la dernière chance, une prestation de la trempe de celle qu’on se serait rongé les ongles pendant des jours d’avoir manquée.
L’impétueux frontman de la formation suisse, Max Usata, est monté sur scène vêtu d’un manteau qu’il a jeté au bout de ses bras, pour mieux placer sa bière dans sa poche de chemise, la classe, appelant plusieurs fois à ce qu’on lui amène, à ses comparses et à lui, une coupelle d’autres canettes. Puis, la bande a plongé dans des sonorités savoureusement marécageuses, rendant, entre autres, un hommage au regretté grand jazzman de l’Abama Sun Ra. Ne se laissant pas ralentir par un nécessaire remplacement d’ampli, les musiciens ont également fait un tour dans The Bathhouse, portée par ses accents de vieux blues du bayou, livré Pornstar, une auguste pièce aux teintes hip-hop et interprété leurs Obituaries, «une chanson qui parle d’amour et de mort. L’amour en premier, la mort ensuite». C’était sale. Mais bon sale. Sombre. Mais bon sombre. Bref, c’était bon. Juste bon.