Son nouveau one-man show s’appelle Imparfait. Mais qui dit «imperfection» dit souvent «franche rigolade». Le comique Alexandre Barrette en sait quelque chose. Entretien.
Vous dites avoir appelé votre spectacle Imparfait principalement parce que vous «y abordez le thème de l’indécision». Donc, selon vous, l’indécision est gage d’imperfection?
Ah, ça fait une coup’ d’entrevues que je donne pour le spectacle et je réalise que je suis pourri pour me vendre! (Rires) Je ne veux pas que ça sonne comme une grosse thérapie! Disons que ma difficulté à prendre des décisions, c’est un des aspects de mon imperfection! C’est comme George dans Seinfeld. Il se mettait tout le temps dans la marde parce qu’il se concentrait tellement sur des microaffaires qu’il en oubliait tout le reste. Je suis un peu comme ça et j’en parle dans le spectacle.
Vous êtes Imparfait, Guillaume Wagner a été Cinglant, Mike Ward a été Chien, Maxim Martin a été… Enfin. Un titre à un mot, ça assure le succès?
Effectivement, le titre de mon premier show, Alexandre Barrette… et personne d’autre, je trouvais ça un peu long. Imparfait, j’aime ça. Ça résume bien ma vie! Ça semble lourd à dire (soupir), mais je trouve que c’est un trait de notre génération. On est gâtés, on ne veut rien manquer. Quand on est en couple, on se demande si on ne serait pas mieux célibataire, quand on fait telle activité, on se demande si on n’aurait pas dû en choisir une autre… Mais ce n’est pas mieux ailleurs! Bon, là, on dirait que mon spectacle, c’est une grosse conférence poche!
Conférence «carpe diem». Mais vous concentrer sur l’humour, est-ce que ça vous empêche, justement, de penser à autre chose?
C’est vrai. Je remets tout en question. Mais l’humour, non. Je suis en amour avec ce processus! J’ai du fun à écrire, j’adore être sur scène, j’aime faire des rodages dans des petits bars devant 12 personnes. Je me sens à ma place. Quand je fais de l’humour, je n’ai pas l’impression de manquer autre chose ailleurs.
Vous avez souvent dit votre amour pour l’écrivain français Frédéric Beigbeder. Vous inspire-t-il par sa plume? Par son personnage? Par son amour des substances toxiques et des demoiselles? Par sa façon de voir la vie, de faire la fête?
Son personnage m’intrigue, mais à la base, je suis mégafan de son écriture. De son côté irrévérencieux. Très blasé aussi. J’adore les gens blasés! On ne fait pas assez leur éloge. Pas blasés dans le sens de «ne rien faire et être paresseux», mais dans le sens «désillusionnés». Ça m’est arrivé, des moments jouissifs où j’étais seul dans le métro, en train de lire un de ses romans, de rire et d’être gêné (parce que c’est mal vu de rire seul). Je ne suis pas groupie… sauf de quelques personnes. André Agassi, Roger Federer, Patrick Huard et Beigbeder. Ses livres sont ancrés dans des moments de ma vie. C’est puissant, une œuvre d’art!
Espérez-vous avoir un effet aussi fort sur votre public?
Je pense que l’humour permet moins ça. L’humour, ça ne t’accompagne pas dans ton quotidien. Les livres ou les chansons – surtout les chansons tristes ou les tounes de voyage vraiment heureuses –, oui. Mais j’écris de longs textes sur Facebook, et même si mon but, c’est de divertir et de faire rire, beaucoup de gens m’ont dit: tu devrais écrire un livre! Mon rêve pour 2016, ce serait ça. Soit faire un recueil de mes meilleurs textes, soit carrément écrire un roman. Pourquoi pas?
Un de vos premiers contrats à la télé en sortant de l’École de l’humour consistait à animer une chronique sportive humoristique. Est-ce une chose que vous vous voyez faire à l’avenir?
Des chroniques humoristiques sportives, honnêtement non, parce que ce n’était pas si drôle! Mais mon rêve, ce serait d’animer le tennis. Ce serait in-cro-ya-ble! Je ferais des blagues.
Parlant d’animation, depuis sept ans, vous êtes à la barre du jeu-questionnaire Taxi payant. Est-ce qu’on vous demande souvent de vous prononcer dans le débat Uber contre Taxi?
Oui, le fameux gag (voix niaise) «Uber payant», je l’ai tellement entendu! (Rires) Mais je ne connais pas assez le dossier pour me situer. C’est drôle, parce que j’anime un quiz à la télé, mais les chauffeurs de taxi sont tellement solidaires qu’on dirait que je fais partie de l’industrie! Il y en a beaucoup qui sont chaleureux et exubérants (surtout les Haïtiens!) et ils m’accueillent comme si j’étais un des leurs!
Trouvez-vous cette solidarité similaire à celle qui lie les humoristes?
En humour, il y a une belle fraternité… mais aussi une sale compétition! La solidarité est là… jusqu’à un certain point.
C’est peut-être parce que, en tant qu’humoristes, vous n’avez pas un ennemi commun à combattre, comme les chauffeurs de taxi.
Les acteurs! On déteste les acteurs! (Rires) Non, c’est une blague.
Vous dites souvent: «Les mamans m’aiment!», en référence à votre image de gentil garçon. Cela dit, vous avez un fond de «baveux».
Oui! Mais comme j’ai l’air naïf et candide, les gens me pardonnent et me permettent d’aller assez loin dans mes gags! Ils ne se disent pas: «Oh! Il est méchant!»; ils se disent: «Oh! Il est taquin!»
«Taquin», c’est sans l’ombre d’un doute un adjectif qu’on n’utilise pas assez souvent.
Souvent, c’est les dames de 77 ans en montant qui l’utilisent. C’est la même génération de gens qui disent malcommode.
Votre spectacle, lui, vous le décririez comment?
Il est bon! Il est beau! Non, j’ai vraiment de la misère à dire: il FAUT que vous veniez voir Imparfait. Votre vie va très bien se passer si vous ne venez pas (ça, c’est mon pitch de vente!) Mais si vous venez, ça va être le fun. Drôle. Sincère. Tout ça.
Alexandre Barrette
Au Monument-National
Du 3 au 5 février