Culture

Born to Be Blue: Jazz libre

Ethan Hawke (Dead Poets Society, Boyhood) incarne Chet Baker dans Born to Be Blue, un film pour lequel le cinéaste canadien Robert Budreau a imaginé une histoire d’amour fictive qu’il campe dans une année difficile réellement vécue par le célèbre trompettiste. Métro a rencontré l’acteur et le réalisateur, de passage à Montréal cette semaine.

Ethan Hawke était prédestiné à jouer Chet Baker un jour. Peu après Dead Poets Society, Bruce Weber, le réalisateur de Let’s Get Lost, documentaire sur le jazzman, avait fait remarquer à Hawke qu’il pourrait facilement prêter ses traits au trompettiste à la voix claire. Un projet avec l’éternel complice de l’acteur, le réalisateur Richard Linklater, avait aussi failli voir le jour. «Quand j’ai reçu le scénario de Born to Be Blue, c’était comme si les dieux du cinéma me disaient que je devais jouer Chet Baker, lance Hawke. Et je me suis immédiatement senti interpellé par ce projet qui se concentrait sur une courte période de sa vie. Les biopics essaient souvent d’en dire trop. Et puis, de cette manière, on peut faire en sorte que le public ne devine pas la fin du film, puisqu’il ne sait pas à quel moment de l’histoire ça va s’arrêter.» «Les biopics traditionnels m’ennuient un peu, et j’avais envie de quelque chose de moins cliché, renchérit Robert Budreau, qui a déjà tourné le court métrage The Deaths of Chet Baker en 2009. Je suis parti de deux aspects qui m’intéressaient : Chet Baker avait été sollicité par Dino De Laurentiis pour jouer son propre rôle dans un film biographique qui n’a finalement jamais vu le jour – une idée qui m’a permis d’explorer son passé par mise en abyme. J’étais aussi fasciné par ce moment de sa vie où il a tout perdu, notamment ses dents – après avoir reçu une raclée de son revendeur de drogue –, et où il a dû réapprendre à jouer. Me concentrer sur cette période difficile me permettait de faire quelque chose de différent et d’un peu trash.»

Réalité fictive
Si ces événements sont bien réels, Robert Budreau ne cache pas avoir inventé le personnage de Jane (Carmen Ejogo), la covedette de Chet, avec laquelle le trompettiste noue une relation amoureuse. Mais de l’avis du réalisateur, pratiquement tous les biopics combinent différents personnages et réinventent un peu la réalité, quoi qu’en disent leurs créateurs. «Mon film réécrit des événements réels, qui rendent quand même bien l’esprit de Chet Baker, soutient le réalisateur. Je voulais le faire ouvertement, dire : “Ce n’est pas exactement ça qui s’est passé, mais on ne sait pas précisément ce qui s’est passé. Chet Baker lui-même avait de la difficulté à se souvenir de la vraie version d’une histoire.” C’est un film sur le jazz, et l’improvisation colle très bien avec l’esprit du jazz.»

C’est aussi l’improvisation qui a été au centre de sa collaboration avec Ethan Hawke, bien connu pour ajouter son grain de sel aux films dans lesquels il joue (il a notamment coécrit les scénarios de Before Sunset et Before Midnight avec Richard Linklater et Julie Delpy). «Ce ne sont pas tous les acteurs qui sont à l’aise d’improviser, ni tous les réalisateurs qui aiment laisser les comédiens le faire, parce que ça les oblige à partager leur vision des choses, fait remarquer Budreau. Mais moi, ça me plaît, et quand j’ai ouvert cette porte à Ethan, il a sauté sur l’occasion.» «Robert était très intéressé à entendre mes idées, tout en ayant une vision claire de ce qu’il voulait et ne voulait pas, ajoute Hawke. Il y a plusieurs films à faire sur Chet Baker, selon la période ou l’aspect de sa personnalité qu’on choisit d’explorer, et Robert savait exactement quel film il voulait faire.»

«C’était la première fois que je jouais une célébrité ayant existé; mais ce qui était bien, c’est que Chet Baker n’est pas trop connu. les gens ne savent pas forcément comment il parlait, comment il bougeait. C’était libérateur: je pouvais m’inspirer de cette personne réelle et fantastiquement complexe sans pour autant devoir en faire une imitation.» -Ethan Hawke

Humain et imparfait
Born to Be Blue donne autant à voir en Chet Baker un musicien talentueux et charmeur qu’un homme blessé aux nombreuses failles. Cela le rend plus «vrai», croit le réalisateur, qui a choisi Ethan Hawke entre autres pour sa capacité à rendre sympathiques des personnages imparfaits. «En plus de ressembler physiquement à Chet Baker et d’avoir d’emblée une facilité avec la musique, Ethan est quelqu’un de naturellement aimable. Donc, il peut jouer un personnage un peu vaurien sans le rendre détestable.»

«Chet est un gars blessé, confus, mais pas détestable, croit pour sa part son interprète. C’est plus facile de jouer le gentil garçon qui dit toujours le truc drôle au bon moment, mais je n’ai jamais vraiment été attiré par ce genre de rôle. Si on prend le père que je joue dans Boyhood, par exemple, on l’aime bien, mais on n’approuve pas tous ses choix… Les personnages complexes sont plus humains.»

Born to Be Blue
En salle dès le 11 mars

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