Culture

Les mauvaises herbes: Une plantation tissée serré

" LES MAUVAISES HERBES " de Louis Belanger Photo Philippe Bosse / COOP VIDEO DE MONTREAL

Une grange remplie de plants de marijuana. Un chalet isolé où un vieil ermite bourru, un acteur dépendant au jeu et une jeune homosexuelle un peu perdue apprennent à vivre ensemble. Et l’hiver québécois à son plus beau (et son plus frette!) Voilà la toile de fond du nouveau film de Louis Bélanger, Les mauvaises herbes.

«Louis voulait faire un film de région et un huis clos», explique Alexis Martin, qui a coscénarisé le long métrage avec le réalisateur, et qui y tient un des rôles principaux.

«On ne voulait pas s’enfermer dans une pièce, mais plutôt dans la forêt, qu’elle devienne une sorte de prison. Et on voulait parler d’un Québec qu’on voit moins, en région, où les gens ont parfois recours à une économie parallèle pour gagner leur vie, celle de la culture de la marijuana, plus répandue qu’on pense.»

Et au-delà de cette prémisse, les deux complices, qui ont déjà écrit ensemble Route 132 et le documentaire Louis Martin et le nouveau journalisme, désiraient créer une comédie de mœurs, qui mettrait en scène des gens n’ayant jamais vécu ensemble.

C’est ainsi que Jacques (Alexis Martin, toujours juste), un acteur désabusé qui fuit Montréal et une dette de jeu, se retrouve en costume d’époque, désemparé, dans la neige et le froid d’un village reculé. Rescapé par Simon (le touchant Gilles Renaud), Jacques n’aura guère le choix d’aider le vieux bonhomme à prendre soin de son impressionnante culture de marijuana. La jeune Francesca (Emmanuelle Lussier-Martinez, une belle découverte) se joindra à eux et ne se gênera pas pour leur secouer les puces, même pendant la visite du méchant shylock (Luc Picard, qui a manifestement beaucoup de plaisir à jouer un méchant). Ensemble, les trois personnages formeront une famille dysfonctionnelle… mais étonnamment attachante.

«J’aime bien les films un peu comme Gaz Bar Blues [qu’il a réalisé en 2003], où il y a une unité de lieu, raconte Louis Bélanger. Ce que tu écris, c’est la manière dont les personnages vivront ensemble. C’est assez riche comme matière humoristique ou dramatique.»
Tout cela au milieu de murs blancs de neige et d’un froid glacial (le tournage s’est fait en février 2015, pendant les températures hivernales les plus froides jamais enregistrées). «Comme cinéaste québécois, il faut que tu te confrontes à l’hiver; c’est un défi que je voulais relever», précise Louis Bélanger.

«Pour moi, le thème de la transmission est très important. Je pense qu’au Québec on a un rapport à la transmission un peu troublé. Ce n’est pas pour rien qu’on a autant de difficulté à avoir un ministère de l’Éducation moins chaotique.» -Alexis Martin, comédien et coscénariste des Mauvaises herbes

Les thèmes de la famille, de la transmission et de l’amitié, chers au réalisateur, sont encore au cœur de ce film qui se situe quelque part entre le drame et la comédie – une autre force de Louis Bélanger.

«On essaie de nourrir nos films avec des questionnements sociaux, précise celui-ci. L’homosexualité en région, les conflits intergénérationnels, les dettes de jeu, la mariculture… Ce sont des couches qui viennent nourrir le récit. Parce que comme Alexis le dit toujours, c’est ben beau, mais il faut être pertinent. Même si tu ris, tu pleures, il faut que les enjeux soient musclés sur le plan psychologique.»

Et c’est réussi, a-t-on envie de lui dire. Au-delà des scènes comiques, où le personnage joué par Alexis Martin – génial dans son rôle d’érudit un peu candide, attachant malgré son côté «crosseur» – marche dans la neige et bûche du bois en frêle costume de théâtre, on assiste à de belles relations intergénérationnelles, même si elles sont inusitées.

Gilles Renaud – autre complice de longue date de Louis Bélanger – a été touché par cette notion de famille, très importante dans le film, surtout pour son personnage qui n’a pas vu son fils depuis de trop nombreuses années. Car si le vieux Simon peut nous sembler antipathique et menaçant au début du film, on découvre vite un homme au grand cœur derrière cette façade.

«Je crois que le spectateur s’attache aux personnages au même moment où les personnages s’attachent les uns aux autres, explique le comédien. Et ça crée cette espèce de famille bizarre, mais à laquelle on croit. Ils en viennent à s’aimer comme on s’aime dans une famille.»

«Plus payant que le blé d’Inde»

En se rendant à son chalet dans le nord, Louis Bélanger remarquait une économie parallèle très répandue, celle de la culture de la marijuana – «Plus payant[e] que le blé d’Inde, plus risqué[e] aussi», comme le résume si bien le personnage incarné par Gilles Renaud dans le film –, et cela l’a inspiré.

«Des bonhommes m’ont dit : “J’ai passé ma vie à me ‘scrapper’ le dos pour bûcher du bois et vendre ça pour des pinottes, tandis qu’en faisant une culture, en un été, je fais mon année”, raconte le réalisateur. C’est une réalité au Québec, on ne peut pas le nier. Ce ne sont pas juste les Hells qui font rouler ça, il y a du monde ben ordinaire qui le font aussi!»

L’écriture du film a d’ailleurs nécessité de la recherche et des avis d’experts, admet Louis Bélanger, un ancien étudiant en journalisme, qui voulait que cette réalité soit dépeinte de façon juste. «On est 100 % véridiques. On avait, appelons-les des spécialistes, qui étaient avec nous avant, pendant et après le projet pour tout valider. J’ai rencontré des gens du club Compassion, des gens qui faisaient pousser ça ici, en ville, et d’autres à la campagne.»

https://www.youtube.com/watch?v=J5r7sFmA7VM

Les mauvaises herbes
En salle dès vendredi

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