J’aime beaucoup utiliser ma tribune afin de souligner le travail de la relève en humour sur nos écrans. Plus souvent qu’à mon tour, j’ai pris le temps de pointer dans la direction de projets qui, à mon avis, faisaient avancer notre télé dans la bonne direction en offrant une voix à cette nouvelle vague.
Permettez-moi alors cette digression pour pointer cette fois vers une scène au lieu d’un écran, parce que l’avancement débordera certainement des planches.
Mercredi soir, j’étais au Théâtre Rialto pour le premier gala du Dr. Mobilo organisé par et pour un collectif d’humoristes. Guillaume Wagner, Adib Alkhalidey, Sexe Illégal et Virginie Fortin nous invitaient à cette première sous le thème de l’expérimentation, de la liberté et, surtout, de la salvatrice délinquance des humoristes invités.
Parce que oui, la proposition du Dr. Mobilo ne cadre pas forcément partout. C’est plus flexible, moins poli, plus désinvolte. Parfois, ça grince un peu trop, ça dérape, ça hésite. Ce n’est pas une machine huilée et prévisible comme celle de Juste pour rire, par exemple.
D’ailleurs, le collectif ne cachait pas son désir de créer une cassure de l’institution. Offrir une alternative, mettre de l’argent dans les poches des humoristes au lieu de «payer une villa en Europe à Rozon» comme disait Wagner en guise de présentation du gala. Les humoristes présents s’affranchissaient en opposition à la normativité de l’humour au Québec, ce qui conféra à la soirée une ambiance particulière.
Comme le début d’une grande aventure.
La foule, généreuse, était plus complice qu’observatrice de ce gala. Une connivence palpable entre le public et les artistes.
La beauté de cette soirée c’est que même si elle était bien baveuse, elle n’était pas anonyme. J’ai remarqué dans la foule Louise Richer et plusieurs autres personnalités de l’humour québécois. La liberté du Dr. Mobilo est courageuse, audacieuse, inspirante.
Même si certaines blagues rataient la cible, on ne peut pas reprocher à un cheval sauvage de détruire quelques trucs sur son passage quand on ouvre finalement la porte de son enclos. Certains ont utilisé cette nouvelle absence de limite à leur avantage, d’autres se sont étranglés avec leur corde.
Ça fait partie de la game.
Mais les trois heures trente de gala n’ont jamais été lourdes ni longues. Il y avait du jazz dans le rythme, dans la désinvolture des humoristes sur place. Certains de la relève, d’autres aux cheveux plus grisonnants – tous la même lueur au fond des yeux. Pas d’animateur, pas de musique entre les numéros, pas de jeux de lumières ou de boucane ou de mise en scène lourde et agaçante.
Et surtout, pas de caméo de Denis Coderre, une promesse faite par Wagner en introduction et tenue au grand plaisir de la foule.
Une soirée risquée, osée, surprenante. Une expérience à répéter si possible et le plus souvent possible. Un satellite qui pourrait devenir essentiel à notre humour – à notre culture.
Terminer la soirée sur une reprise improvisée des Beatles, une boutade à l’image de la soirée. Audacieuse, bien baveuse, revendicatrice, inspirante.
Longue vie au Dr. Mobilo et à ses expérimentations.