Le cinéaste Onur Karaman croit que l’être humain est profondément bon, mais qu’il ne parle pas assez à son voisin, qu’il s’entête trop dans ses opinions prédéfinies. C’est pour cette raison qu’il a réalisé le film Respire: pour ouvrir un dialogue entre les gens.
Respire, c’est l’histoire de Fouad (Amedamine Ouerghi), un jeune immigrant marocain de 15 ans, et de Max (Frédéric Lemay), 27 ans, un Québécois dit «de souche». Ils habitent dans le même quartier populaire, menant une vie assez similaire, marquée par la frustration et l’absence d’issue, coincés tous deux dans l’injustice des disparités sociales qui les affligent. Et malgré leur ressemblance, Max et Fouad ne se parlent pas…
Un récit qui puise dans sa vie
L’écriture du scénario a été facile pour Onur Karaman, explique-t-il en entrevue avec Métro. Le scénariste d’origine turque est bien au courant de la réalité de ses deux protagonistes. Le racisme latent et les disparités socioéconomiques, il a connu ça, lui qui avait honte d’inviter ses ami.e.s plus en moyen dans l’appartement de ses parents et dont on a mal prononcé le nom une grande partie de sa vie.
Plusieurs des éléments du film sont en effet autobiographiques. Comme le père de Fouad, dans le film, celui du réalisateur était un professionnel respecté dans son pays d’origine, mais ses compétences n’ont pas été reconnues ici, au Québec. À l’image du personnage de Max, Onur a travaillé dans un centre d’appel où tout ce qui compte, ce sont les ventes; le genre de milieu qui participe à la déshumanisation de ses employé.e.s en les considérant uniquement comme des numéros.
Les choses sont toujours tendues lorsque les deux personnages se croisent dans Respire. Pourtant, un simple bonjour pourrait faire beaucoup de chemin. Dans une société aussi divisée que la nôtre, et plus encore depuis la pandémie, le cinéaste est convaincu que ce simple geste pourrait régler bien des problèmes, avant qu’il n’y ait encore plus de dérapages.
Il est là, le message de son film. Onur Karaman veut contribuer à réparer la fracture, surtout qu’il estime qu’on est tous.tes beaucoup plus semblables les un.e.s des autres qu’on ne le croit.
Le cinéma pour tous.tes
Ces retrouvailles avec notre humanité que le cinéaste espère passent par les jeunes, notre futur, grâce à une communication saine, croit-il. C’est pourquoi il était important aux yeux du réalisateur que son film réussisse à rejoindre les jeunes de toutes les origines, lui qui voudrait leur montrer que le cinéma québécois leur appartient aussi.
Et le faire de manière honnête: Onur Karaman trouve que l’inclusion de jeunes dits de la diversité dans les films et séries d’ici semble souvent être faite pour cocher des cases dans les demandes de financement.
«Il y a une complaisance des producteurs que je dénonce. Ils ne sont tellement pas aptes à prendre des risques avec des projets différents. Ce n’est pas de la culture leur affaire, c’est une usine. Au Québec, on a de la richesse culturelle, mais je pense qu’on pourrait faire tellement mieux», s’indigne-t-il.
De l’avis d’Amedamine Ouerghi, le jeune interprète de Fouad, le réalisateur a réussi sa mission, parce que Respire est le genre de film qu’il aimerait voir… ce qui n’arrive pas très souvent.
«Les jeunes comme moi ont de la difficulté à regarder la télé ou le cinéma québécois. On ne se retrouve pas là-dedans. En voyant le film, je me suis dit que ça allait faire du bien à mon entourage, mais aussi à l’industrie du cinéma», confie-t-il à Métro.
Amedamine Ouerghi se dit très reconnaissant envers Onur Karaman de lui avoir offert ce rôle. «Je suis un Fouad dans la vie de tous les jours. J’aime jouer au foot et chiller avec mes copains-copines. Le racisme, les disparités sociales, j’ai vécu ça. Trouver un appartement, avec mon nom, ça peut être compliqué… Quand j’ai vu le film, je me suis dit wow! C’est possible pour moi de participer à ce type de projet. C’est un monde qui ne m’est pas fermé.»
Pour la suite, le comédien et le réalisateur espèrent que le film puisse être vu par le plus de gens possible, autant des Québécois.es dits «de souche», que celleux dits «de la diversité». Il peut contribuer, selon le duo, à une société et à un cinéma plus ouverts, compréhensifs et inclusifs.
Respire, qui met également en vedette Claudia Bouvette, Mohammed Marouazi, Houda Rihani, Roger Léger, Guillaume Laurin et Marie Charlebois, prend l’affiche le 27 janvier.