7h36, réveil en sursaut. Réveil-matin sur off. Tab. Me reste quatre (minuscules) minutes avant d’être en ondes pour ma chronique quotidienne au 104,7FM. En temps normal, rien pour s’énerver, ayant souvent fait pire. Sauf qu’il y a un hic. Et pas un petit: depuis la pandémie, j’habite plein temps mon chalet de St-Michel-des-Saints, dans Lanaudière. Deux heures de Montréal. Pas deux jours, deux semaines ou deux mois. Deux. Petites. Heures.
Le hic, donc? Comme tout bon résident de régions dites « éloignées », impossible de me brancher sur un réseau digne de mention histoire d’assurer, par Zoom, ladite chronique. Pouet pouet. La solution au quotidien, alors? Sauter dans mon char, direction village, où résident les espoirs de quiconque nécessitant une connexion potable. Un beau 35-40 minutes, chaque matin, pour une chronique qui en fait moitié moins.
Faire pitié? Ben non, je sais bien. Mais vous connaissez l’histoire de mon ami Max? Programmeur-analyste de profession, il a aussi troqué les cônes oranges de Valérie pour la zénitude du bois, merci pandémie. Sa décision serait assurément permanente et irrévocable si, là encore, un réseau aux allures de 2020 lui était accessible. Parce que contrairement à moi et mes vingt minutes de blablabla, le gars passe 35 heures semaine à sacrer après l’indolence privée- gouvernementale.
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Lors de la campagne électorale de 2018, la CAQ de François Legault y allait d’une promesse aux allures anodines: brancher tous les Québécois à internet haute vitesse, et ce, avant la fin d’un éventuel mandat.
Or, plus de 330 000 foyers demeureraient, après deux ans de gouvernance caquiste, sans connexion. Du monde à messe. Particulièrement en temps de pandémie où le télé-travail se veut sinon impératif, au moins utile. Autrement, bye bye l’égalité des chances et le développement des régions, notamment en ce qui a trait à la rétention de jeunes avec diplôme. Combien de foyers branchés depuis 2018, au fait? 7000. Euphémisme pour ti-train va loin, je présume. Alors pourquoi ne pas avoir inclus quelconque infrastructure numérique dans le projet de loi 66, successeur du (très) controversé 61? Allez savoir.
Reste que sous pression depuis la publication de reportages et lettres d’opinion quant à la promesse bientôt ratée, le premier ministre Legault affirme avoir sollicité une rencontre prochaine avec Mirko Bibic, président de Bell : « J’ai bien l’intention d’essayer de le convaincre que tout soit fait pour l’automne 2022 ».
La riposte de Gabriel Nadeau-Dubois, cinglante, n’a su tarder : « C’est quoi, le plan ? Continuer à supplier les géants des télécoms ? Faire des beaux yeux au patron de Bell ? Se prosterner devant le privé, ça ne marche pas, c’est la responsabilité de l’État de brancher les régions. »
Difficile de contredire le co-leader de QS. Un premier ministre tributaire d’une entreprise privée, laquelle tient partie de sa population prise en otage? Des allures, en termes d’images, de république de bananes. Surtout lorsqu’on apprend que le noeud, sinon l’essence du problème, réside dans…l’accès aux poteaux. Vous avez bien lu.
Tout récemment, Vidéotron demande au Bureau de la concurrence d’enquêter sur Bell. Cette dernière ralentirait, sinon bloquerait, l’accès aux poteaux en question, histoire de limiter la concurrence. Pas sûr? Ok: chaque poteau du géant des télécom doit impérativement faire l’objet d’’une inspection préalable et, si tout va bien (on imagine le stress), un permis est ensuite accordé. Le tout à…CHAQUE…ASSETIE…DE…POTEAU.
La réponse de Bell, dixit son directeur Charles Gosselin?:« Un poteau, ce n’est pas seulement un piquet de bois planté dans le sol, c’est un ouvrage d’ingénierie. »
Y a, pour paraphraser GND, des coups de pieds au cul qui se perdent. En espérant qu’ils se donnent. Avant longtemps.