La Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie poursuit maintenant sa réflexion sur l’accès à l’aide médicale à mourir (AMM) pour les personnes ayant des défis de santé mentale. Étant une citoyenne ayant des défis en santé mentale et ayant fréquenté le milieu pendant plusieurs années, je ne peux faire autrement que de réagir publiquement.
En 2013, j’ai sombré dans une dépression majeure qui a duré plus de 8 ans, incluant plusieurs épisodes suicidaires. Au cours de ces années, j’ai cherché de l’aide pour voir un psychologue et un psychiatre. J’ai été 8 ans sur la liste d’attente (dans l’Outaouais) avant d’avoir accès à un.e psychiatre dans le domaine public et le même nombre d’années avant d’avoir accès à un.e psychologue aussi dans le domaine public, en Outaouais. Une chance, mes assurances m’ont permises d’aller au privé en Ontario. Même au privé, j’ai dû attendre 2 ans avant d’avoir accès à de l’aide. Ce n’est qu’à ma quatrième hospitalisation, en 2021, que le personnel médical m’a référé à des ressources dans la communauté afin de bien m’encadrer à ma sortie de l’hôpital.
Mon histoire témoigne du manque flagrant de ressources multidisciplinaires appropriées au Québec.
L’AMM pour les personnes ayant des défis de santé mentale est une question très complexe et un « challenge » éthique très important. Pour moi, c’est aussi de lancer un message qu’il n’y a pas d’espoir, quand c’est faux. Les défis de santé mentale, si non pris en charge rapidement par une approche multidisciplinaire constante et à long terme peuvent souvent mener à la dépression majeure, l’anxiété généralisée et même au désir de suicide.
Les personnes souffrant de défis de santé mentale qui ont des pensées suicidaires ou qui font des tentatives de suicide, seraient prédisposés à demander l’AMM lors de périodes de détresse, dépression, anxiété. Elles sont souvent influencées par leur état de santé mentale, la stigmatisation, le manque de ressources et parfois en plus, elles sont souvent sous l’influence d’abus de stupéfiants.
Lorsqu’une personne ayant des défis de santé mentale a des pensées suicidaires ou fait une tentative de suicide, c’est immédiatement et même en amont qu’elle a besoin d’aide et de ressources, ce qui est difficile à obtenir. À l’hôpital, il n’y a pas de ressources comme des psychologues ou travailleurs sociaux qui viennent rapidement voir les patients. Souvent, cela peut prendre jusqu’à une semaine voir plus, d’hospitalisation, avant que le patient puisse enfin voir un psychiatre. Les infirmières et infirmiers ne sont pas formés pour offrir du soutien psychologique à la personne hospitalisée. Dans la majorité des cas, lorsque le patient obtient son congé de l’hôpital, il retourne chez lui, dans les mêmes conditions et doit attendre sur de longues listes d’attente pour avoir accès à des services. Dans mon cas, ce n’est qu’au printemps 2021 qu’on m’a attribué des ressources et un plan de sortie, filet de sécurité, avant de quitter l’hôpital.
Pendant mes périodes de détresse intense, sans ressources disponibles, si l’aide médicale à mourir m’avait été proposée, j’aurais signé “oui”, ne voyant pas d’autres issues. Aujourd’hui, j‘ai enfin la chance d’être bien encadrée et je peux profiter de la vie et de mes 4 enfants. J’ai retrouvé une certaine joie de vivre. Cependant, j’ai eu besoin d’aide et d’encadrement pour y arriver, sur plusieurs années, et j’aurai besoin de cette aide sur plusieurs autres années. Comme beaucoup d’experts, j’ai la conviction que le trouble mental n’est jamais irrémédiable.
Julie Senécal
Citoyenne ayant des défis de santé mentale