Évoquer la fête du Travail en période pandémique s’avère un exercice douloureux, car plus de 800 000 emplois au Québec ont disparu entre février et avril 2020, propulsant le taux de chômage de 4,5 % à près de 18 %. Du jamais vu! Toutefois, les efforts de lutte contre la crise sanitaire semblent porter leurs fruits puisque le taux de chômage pointait à 6 % en août 2021. Bref, c’est un quasi-retour à la normale, sauf pour les femmes.
En marge du tsunami de pertes d’emploi, un autre phénomène nous frappe : le nombre de télétravailleurs canadiens ayant fait des heures supplémentaires a doublé en un an, et le tiers des travailleurs débordent de leur horaire régulier de 1 à 8 heures et plus par semaine, selon un sondage Angus Reid-ADP Canada dévoilé en mai 2021. Si 40 % des répondants se sentent plus productifs, une proportion équivalente mentionne une hausse de son stress.
Il est certes déconcertant que des centaines de milliers de personnes se soient retrouvées brutalement sans emploi, tandis que d’autres ont vu leur charge de travail augmenter. Mais il est tout aussi troublant d’apprendre que d’octobre 2019 à octobre 2020, 68 % des emplois volatilisés au Québec étaient occupés par des femmes, soit le double des pertes d’emplois subies par les hommes, selon le ministère du Travail. Malgré la reprise économique, le redressement de l’emploi a été et demeure plus lent pour les femmes, car elles occupent une place prépondérante dans les secteurs les plus touchés par la récession (restauration, tourisme, culture, etc.).
Les femmes ayant conservé leur emploi malgré le choc pandémique ont été plus nombreuses que les hommes à se soumettre au télétravail et à des heures supplémentaires tout en effectuant les tâches familiales. Dans le rapport de l’Observatoire québécois des inégalités et de l’Association pour la santé publique du Québec, on relève que les responsabilités des femmes ont été plus importantes en raison du confinement et de la fermeture des écoles et des garderies.
Concernant les inégalités de revenu au Québec, un sondage effectué par la firme Léger vers la fin de l’année 2020 révélait que 70 % des répondants estiment que les effets de la pandémie de COVID-19 les ont augmentées. On ne sera pas étonné d’apprendre que les femmes (74 %) étaient plus nombreuses que les hommes (68 %) à juger que la pandémie a accru les inégalités de revenu.
Existe-t-il une solution pour résorber les effets de la COVID-19 sur l’employabilité, notamment celle des femmes? Au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), nous plaidons depuis longtemps pour davantage de flexibilité dans les horaires de travail. Nous ne sommes pas seuls à croire aux bienfaits de fins de semaine de trois jours. Par exemple, une étude récente menée au Royaume-Uni avançait qu’une journée de congé supplémentaire pourrait avoir un effet d’entraînement sur la société au sens plus large.
Les secteurs durement touchés par la pandémie s’en porteraient effectivement mieux, selon l’étude, car les employés questionnés étaient nombreux à dire qu’ils passeraient leur journée à magasiner, à aller au cinéma, au théâtre ou au restaurant. Aussi, une semaine raccourcie créerait une demande accrue pour la main-d’œuvre et pourrait donc entraîner la création de postes mieux rémunérés, tout en dynamisant des secteurs durement touchés par la crise, souvent ceux où l’employabilité des femmes domine. Cette redistribution du travail pourrait aussi s’avérer un sérieux coup de pouce pour augmenter la participation des femmes au marché du travail. Voilà une avenue qui mérite d’être explorée.
Line Lamarre, Présidente Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec