Les hôpitaux débordent, les urgences ferment, les travailleurs de la santé sont à bout de souffle, la pénurie de personnel est criante… Il est essentiel de tout faire pour s’assurer d’attirer les travailleur(se)s manquant(e)s dans notre précieux réseau. Bravo à toutes initiatives allant dans ce sens! Il est également primordial de regarder simultanément le problème sous tous ses angles et de se demander : comment diminuer le nombre de visites aux urgences et d’hospitalisations?
On sait que l’accès amélioré à la psychothérapie a le potentiel de réduire de 22% les hospitalisations. On sait aussi qu’en 2020, plus de 216 000 visites dans les urgences du Québec étaient reliées à des problèmes de santé mentale. Par ailleurs, ce chiffre est une sous-estimation de la réalité, puisqu’il ne tient pas compte des personnes qui se présentent, par exemple, avec des maux de tête ou des douleurs abdominales qui sont reliés à de l’anxiété ou ceux qui vivent des complications puisqu’ils n’arrivent plus à suivre les traitements médicaux en raison de symptômes dépressifs ou d’enjeux au plan de leur personnalité. Ainsi, plusieurs personnes ne se présenteraient pas aux urgences ou ne seraient pas hospitalisées si elles avaient eu accès à un psychologue au moment opportun. Il est toutefois difficile d’atteindre cet objectif, alors qu’il y a plusieurs postes vacants dans les hôpitaux, qu’un bon nombre d’écoles n’ont pas de psychologues et que certains CLSC n’ont qu’un psychologue pour couvrir un vaste territoire. Les psychologues partent de plus en plus vers le secteur privé, où ils ont une meilleure autonomie professionnelle jumelée à une rémunération nettement plus avantageuse. Ces départs contribuent aux délais d’attente qui dépassent souvent 1 an dans le réseau.
Les psychologues sont un peu comme les sources d’eau sous la surface de la terre : essentiels, mais peu considérés, peu visibles… un peu comme la souffrance psychologique, qui est souvent la pire sorte de souffrance, puisqu’elle se mêle avec de la honte et de l’auto-dénigrement. Une douleur souvent atroce et invisible, que l’on tente trop souvent de cacher.
Une souffrance invisible certes, mais qui affecte toutes les sphères de notre vie et de notre société. Par exemple, les symptômes d’anxiété sont reliés à une augmentation des processus inflammatoires et les symptômes de dépression au développement de problèmes cardiaques. Depuis plus de 15 ans, j’ai pu observer ces interactions très complexes et multifactorielles qui incluent entre autres le niveau de bien-être psychologique, les difficultés à adhérer à des traitements médicaux et la dégradation d’une condition médicale entraînant des hospitalisations.
Un collègue pneumologue m’a déjà dit : ‘’Je ne sais pas comment vous (les psychologues) arrivez à faire ce travail, ça demande tellement de patience et il y a tant d’aspects à considérer : la condition médicale de l’enfant, le contexte familial, social et scolaire dans lequel il évolue, son fonctionnement psychologique et cognitif, sa motivation à changer et celle de sa famille’’.
Merci à ces collègues qui comprennent la contribution unique des psychologues dans le réseau public… ce travail complexe, souvent fait derrière des portes closes en toute confidentialité.
Merci aux 698 médecins ayant signé, en moins de 48 heures, notre lettre ouverte qui demandait de mettre fin au manque criant de psychologues dans le réseau public.
Merci aux plus de 6000 québécois qui ont signé notre pétition demandant d’améliorer l’accès aux psychologues dans nos écoles, nos cégeps, nos universités, nos centres jeunesses, nos hôpitaux, nos centres de réadaptation, nos cliniques de médecine familiale et nos CLSC. Ces milieux riches permettent aux psychologues d’offrir des services intégrés et complets à la population en partenariat avec les travailleuses sociales, les infirmières, les médecins, les psychoéducatrices, etc.
Continuons ensemble notre croisade pour améliorer l’accès à l’expertise des psychologues dans le réseau public. Il n’est pas trop tard pour faire entendre votre voix en signant notre pétition : www.coalitionpsy.org !
Nous ne pouvons faire qu’un pas à la fois, mais commençons maintenant. Lorsqu’on y pense, notre santé psychologique est à la base de tout. Elle nous permet de nous lever le matin, de nous concentrer pour accomplir des tâches ou pour apprendre, de contribuer positivement à la société, de trouver la motivation pour faire nos traitements médicaux, de ne pas laisser notre colère nous envahir au point de blesser les autres ou de nous faire du mal à nous-même.
Changeons notre paradigme et incluons le bien-être psychologique dans l’équation! En ramenant les psychologues dans le réseau public, nous plaçons un morceau de plus dans ce casse-tête complexe. L’attente aux urgences en sera diminuée, les médecins de famille seront dégagés d’une quantité phénoménale de consultations relatives à la santé mentale, les enseignant(e)s et les infirmières libéré(e)s d’un fardeau de trop et les dépenses publiques diminuées!
Dre Karine Gauthier, M.Ps., Ph.D. Psychologue/Neuropsychologue, Présidente de la Coalition des psychologues du réseau public québécois