LETTRE OUVERTE – Santé Canada propose d’interdire tous les produits de vapotage aromatisés autres que le tabac, la menthe et le menthol. L’Association des consommateurs du Canada (ACC) a pris position en faveur du choix des consommateurs adultes sur cette question, estimant que les adultes devraient pouvoir choisir le type de produit qu’ils préfèrent, en particulier celui qui pourrait les aider à fumer moins ou à cesser de fumer. L’ACC estime qu’il existe des solutions de rechange aux restrictions proposées par Santé Canada qui permettraient aux adultes de continuer à avoir accès à leurs arômes préférés, tout en veillant à ce que les jeunes ne le puissent pas.
Nous savons que la cigarette provoque des maladies et la mort chez de nombreux fumeurs. Cependant, des entités comme Public Health England et le Royal College of Physicians ont démontré que les produits de vapotage sont 95 % moins nocifs que la cigarette. La logique voudrait donc que les produits de vapotage soient mis en avant.
Dans un projet de règlement visant à limiter les produits de vapotage aromatisés publié le 18 juin dans la Gazette du Canada, Santé Canada rapporte avoir reçu plus de 24 000 réponses à une consultation antérieure, dont « près de 23 000 cartes postales et près de 1 450 courriels de personnes qui vapotent », comparativement à « 288 réponses spécifiques de divers intervenants, 100 soumissions présentées au moyen d’un modèle par des professionnels de la santé, d’organisations du secteur de la santé et de membres du grand public ». Le projet de règlement stipule ensuite qu’« outre les réponses par carte postale, 66 % des répondants étaient favorables à de nouvelles restrictions ».
Aucune des cartes postales envoyées par les consommateurs ne soutenait les restrictions proposées. En fait, les consommateurs canadiens qui vapotent disent que les arômes ont joué un rôle essentiel dans leur passage du tabagisme au vapotage, un geste positif pour la santé publique.
La réponse de Santé Canada défie l’entendement. Premièrement, le ministère a écrit que les soumissions des consommateurs ne seraient pas prises en compte dans l’évaluation du soutien à ses propositions de restrictions, même s’il avait tenu compte des soumissions des consommateurs dans le passé – mais apparemment seulement lorsqu’elles soutenaient ses propositions de politiques.
Deuxièmement, Santé Canada a admis que les restrictions proposées sur les arômes sont susceptibles de ramener certains vapoteurs à la cigarette et/ou d’empêcher certains fumeurs actuels d’arrêter de fumer. Pensez-y un instant. Le ministère qui a pour mandat de réduire le taux de tabagisme propose un règlement dont il admet qu’il est susceptible d’augmenter le taux de tabagisme.
Il est inacceptable que Santé Canada mette par écrit que le ministère n’a pas considéré la réponse de plus de 24 000 consommateurs canadiens lorsqu’il a initialement évalué le soutien à sa proposition. Il n’y a aucun intérêt à organiser une consultation publique si l’on ne tient pas compte de l’avis du public.
Quelle que soit la question en jeu, aucun gouvernement ne devrait pouvoir ignorer la réponse du public à une consultation publique. Plus fondamentalement, cependant, Santé Canada a ignoré les soumissions des personnes les plus touchées par sa proposition de règlement – les vapoteurs eux-mêmes – en faveur de la santé publique et des défenseurs de l’idéologie.
Pour calculer le prétendu soutien de 66 % à ses propositions de restrictions, Santé Canada a inclus les campagnes de lettres des » professionnels de la santé « , mais pas celles des vapoteurs. Il s’agit d’une tentative flagrante de déformer les chiffres pour montrer un soutien aux restrictions, puisque si l’on tient compte des réponses des consommateurs, la proposition est rejetée par 95 % des répondants.
Des dizaines de milliers de consommateurs ont ensuite répondu au projet de règlement publié le 18 juin, et l’ACC exige que le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, respecte ces soumissions.
Santé Canada doit également tenir compte des soumissions des consommateurs lorsqu’il évalue l’appui à sa proposition – comme il l’a fait dans le passé, du moins lorsque ces soumissions appuyaient les objectifs stratégiques du ministère. Par exemple, dans le projet de règlement sur l’emballage d’apparence neutre des produits du tabac publié dans la Gazette du Canada, Partie 1, le 23 juin 2018, Santé Canada déclarait avoir reçu 58 000 soumissions en faveur du règlement proposé et en avait tenu compte au moment d’évaluer l’appui à la proposition.
Le message est clair : Santé Canada prendra les réponses des consommateurs en compte si elles appuient ses positions politiques, mais n’en tiendra pas compte lorsqu’elles sont en désaccord avec ses politiques. C’est scandaleux et cela discrédite l’ensemble du processus de consultation du gouvernement. Le public doit avoir son mot à dire en matière de santé publique.
L’ACC demande au ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, d’adopter une nouvelle approche de l’élaboration des politiques, selon laquelle les expériences des personnes les plus touchées par une réglementation sont prises en compte. C’est essentiel si le Canada veut une politique efficace, car si 100 % de ces personnes vous disent qu’une politique est contre-productive, vous devez y prêter attention.
Bruce Cran
Bruce Cran est le président de l’Association des consommateurs du Canada (ACC). Fondée en 1947, l’ACC est une organisation nationale indépendante à but non lucratif qui repose sur le travail de bénévoles. Étant l’organisation de protection des consommateurs la plus ancienne et la plus respectée au Canada, elle a pour mandat d’informer et d’éduquer les consommateurs sur les enjeux relatifs au marché, de défendre les intérêts des consommateurs auprès des gouvernements et des industries, ainsi que de travailler avec les gouvernements et les industries à résoudre les problèmes liés au marché