Débats

La faim quand s’éteint le sapin

Sylvie Sarrasin - Présidente du conseil d’administration du Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ)

LETTRE OUVERTE – Tout le monde mange, c’est un fait. Pourtant un pourcentage non négligeable de la population québécoise (16 % à la fin mai 2020) le fait peu, pas ou mal.

La COVID-19, l’inflation, la hausse des prix du panier d’épicerie et les changements climatiques n’ont fait qu’exacerber cette réalité. À ce chapitre, les prochaines années n’augurent rien de bon. Les québécois·e·s sont généreux•euses, c’est bien connu. Toutefois, les dons ne suffiront jamais à résoudre le problème de la faim. La période de Noël est celle de la grande générosité, comme si les besoins s’éteignaient en même temps que le sapin. Pourtant, on doit manger douze mois par an…

Donner à plus pauvre que soi, ça fait du bien, ça apaise la conscience, c’est une contribution collective qui rend fier, mais ça ne règle pas ce problème récurrent. Car se nourrir, ça doit être fait quotidiennement, ce n’est pas un loisir. La faim peut -et va- resurgir.

Selon les données du dernier Bilan-faim, la demande de distribution alimentaire a bondi de 37 %. Chez les personnes ayant un emploi, on note une augmentation de 40 %. En 2022, on peut aisément porter les deux chapeaux, être pauvre et être travailleurs.euses.

Ces statistiques sont impressionnantes et pourraient inciter les citoyens·ne·s à donner davantage, à devenir plus généreux·euses, indépendamment de la période de l’année. Mais est-ce la solution?

Peut-on raisonnablement responsabiliser la population et leur demander d’enrayer la faim par leurs simples dons, alors que le salaire québécois médian s’élevait à 45 080$ en 2021? Le Regroupement des cuisines collectives du Québec sait qu’on ne peut pas résoudre la faim par les dons alimentaires, que la responsabilité n’appartient pas seulement aux citoyens·ne·s.

Et l’on voudrait qu’on mange bio, local et équitable. Tout le monde est pour la vertu. Toutefois ce n’est pas réaliste pour les personnes vivant en situation de précarité financière et à revenus moyens. Elles ont déjà du mal à joindre les deux bouts, si on augmente la pression, les juge et les infantilise, les aide-t-on vraiment? Poser la question, c’est y répondre.

Le droit à la vie, à la santé, à la sécurité, au logement et à l’alimentation sont d’égale importance et leur respect ne repose pas sur la bonne volonté des citoyen•nes. Pourtant, l’État traite l’alimentation comme une marchandise et s’en remet au peuple pour gérer les impacts négatifs.

Affirmons haut et fort l’aspect fondamental du droit à l’alimentation, pour que toutes et tous mangent adéquatement, selon leurs goûts, leurs besoins, leurs valeurs et à leur faim. Exigeons une loi-cadre sur l’alimentation!

Manger est un droit et les gouvernements doivent prendre leurs responsabilités.

Lorsque le droit humain à l’alimentation sera reconnu, garanti et protégé, tout le monde n’aura faim, même quand s’éteint le sapin.

Sylvie Sarrasin
Présidente du conseil d’administration du Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ)

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