Depuis plusieurs mois, je pense sans cesse à cette sage prophétie des Cowboys Fringants énoncée dans leur chanson Plus rien de 2004, ma préférée de leur répertoire. C’est que j’appartiens à une génération qui a grandi avec cette prophétie en musique sans réaliser que ce futur si lointain était en réalité si près de nous.
Les chaleurs suffocantes. Les incendies. Les ouragans. Les inondations qui frappent les grandes villes. Les tremblements de terre et la grande sécheresse. Les gens qui tombent comme des mouches en guerre contre une pandémie. Une prophétie hurlante de vérité au ton et au son d’une apocalypse.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, de nombreuses voix – intellectuelles et militantes – se sont élevées pour (re)penser et panser le monde d’après. Plusieurs ont appelé à innover pour une relance sociale, juste et verte. Une occasion que l’on ne reverra probablement pas de notre vivant.
Notamment, les fellows en leadership d’Action Canada, dont je faisais partie en 2020, ont concentré toute leur année sur des réflexions entourant le « Canada post-pandémique ». L’Institut du Nouveau Monde a consacré sa dernière édition de l’État du Québec à la relance en 25 thèmes, dont celui de la crise climatique. L’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec a donné pour thème la justice climatique à son prochain congrès professionnel. Les éditeurs de plus de 200 revues médicales et scientifiques ont récemment cosigné une lettre appelant à agir pour contrer l’urgence climatique, qui menace dangereusement notre santé, et en particulier, celle des populations les plus vulnérables.
Des colloques ont pullulé un peu partout avec l’idée de repenser nos utopies collectives pour éviter de frapper un mur sur les plans environnemental, économique, social et mondial. Toutefois, bien que l’idée n’ait absolument rien d’original, car sur toutes les lèvres depuis des mois, le défi de cette sortie de crise demeure entier.
Les constats sont là, les discussions ont lieu depuis belle lurette et elles s’intensifient. Or, comme pour bien des choses, passer de la parole aux actions d’envergure semble être une autre paire de manches. Ce qui est certain, c’est qu’un retour à la normale nous mène droit au mur et au bout des ressources de notre planète. Les causes ayant mené à l’urgence climatique sont interreliées. Plusieurs mouvements sociaux gagneraient à converger davantage, considérant que la crise climatique a des liens intrinsèques avec les inégalités raciales, de genre, de classe. Histoire de briser les deux, trois ou quatre solitudes qui existent entre les luttes anti-racistes, décoloniales, anticapitalistes, féministes ou environnementales par exemple.
Le monde d’après ne pourra faire l’économie d’une lunette complexe et complexifiée. Ça implique d’avoir l’audace de centrer des voix que l’on a moins l’habitude d’écouter, même lorsqu’elles cherchent à se faire entendre. L’innovation passe très souvent par la diversité et la pluralité des vécus, des subjectivités et des perspectives. Ça serait un certain point de départ pour des solutions sortant des barèmes usuels qui nous ont mené au bout de notre monde, ou plutôt au bout de ce monde, tel qu’on le connaît aujourd’hui.