Environnement

Quand l’eau douce du Québec devient salée

Alison Derry, Université du Québec à Montréal (UQAM); Miguel Cañedo-Argüelles, Universitat de Barcelona, and Stephanie J Melles, Toronto Metropolitan University - La Conversation

Les écosystèmes d’eau douce du monde entier sont de plus en plus salés. De nombreux facteurs anthropiques contribuent à la salinisation de l’eau douce, notamment l’irrigation des terres agricoles, l’extraction du pétrole, l’extraction de potasse et le déglaçage des routes.

Par conséquent, les sels pénètrent dans les cours d’eau. Mais comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les sels sont souvent accompagnés d’un cocktail toxique composé d’autres polluants, dont les effets combinés sur la santé sont largement inconnus.

Alors que le problème de la salinisation croissante de l’eau douce a été largement ignoré pendant de nombreuses décennies, il a fait l’objet d’une attention considérable au cours des 20 dernières années.

Les scientifiques du monde entier, dont nous faisons partie, travaillons de concert pour comprendre les impacts écologiques de la salinisation croissante sur écosystèmes aquatiques. Notre objectif ultime ? Examiner l’adéquation des seuils de toxicité relatifs à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique.

La salinisation, un problème de taille

Le Canada possède la majorité des ressources mondiales en eau douce, principalement concentrée dans les provinces de l’Ontario et du Québec), où près de 5 millions de tonnes de sel de voirie sont épandues chaque année pour déglacer les routes).

Avec le changement climatique et l’augmentation de la fréquence et de la durée des sécheresses dans de nombreuses régions du monde, le problème ne fait qu’empirer. On parle ici d’une préoccupation majeure. Pourquoi ? Parce que la disponibilité des ressources en eau douce deviendra un facteur critique pour l’humanité au cours des 50 prochaines années.

Répartition mondiale inéquitable de la disponibilité des ressources en eau douce de surface (source : Philippe Rekacewicz, février 2006).

Des chercheurs du monde entier mobilisés

Nous avons récemment présenté une série d’articles dans un numéro spécial sur la salinisation de l’eau douce dans la revue Limnology and Oceanography Letters, publié en février dernier).

Dans ce numéro spécial, nous nous concentrons sur le chlorure de sodium (NaCl), la même molécule que l’on retrouve dans le sel de table, en tant qu’agent clé de la salinisation des eaux douces. Nous mettons en lumière une série d’expériences de terrain coordonnées, menées par des chercheurs d’Amérique du Nord et d’Europe, qui ont abordé les impacts de la salinisation de l’eau douce sur le zooplancton (petits crustacés microscopiques) à l’échelle régionale.

Le zooplancton est un groupe essentiel d’un point de vue écologique dans les réseaux alimentaires aquatiques et est souvent utilisé comme indicateur pour détecter les changements environnementaux.

Les principales conclusions de ces expériences sont les suivantes :

Couverture régionale d’une expérience coordonnée de mésocosme sur le terrain, avec un exemple de l’une des expériences menées au lac Croche (Laurentides, Québec, Canada) (figure modifiée d’après Hintz et al. 2022b).

Une question de réglementation

De nombreuses questions demeurent en suspens. Cependant, ce que nous savons maintenant, c’est que les recommandations de qualité de l’eau à long terme (Canada : 120 mg Cl⁻1L⁻1 et États-Unis : 230 mg Cl⁻1L⁻1) et à court terme (Canada : 640 mg Cl⁻1L⁻1 ; États-Unis : 860 mg Cl⁻1L⁻1) pour les concentrations de chlorure sont trop élevées pour protéger la vie aquatique au Canada et aux États-Unis. À titre de référence, une pincée de sel dans une chaudière d’eau correspond à environ 0,3 mg de Cl⁻1/L⁻1.

En d’autres termes, des effets néfastes sont observés à des concentrations beaucoup plus petites. Les réglementations sont donc à revoir au Canada et aux États-Unis. En Europe, les normes de qualité de l’eau saline pour la protection de la vie aquatique dans les écosystèmes d’eau sont pour la plupart absentes.

L’importance de poser des actions concrètes

Les lignes directrices relatives à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique sont généralement établies à l’aide de tests en laboratoire (appelés essais toxicologiques) portant sur une seule espèce.

Cependant, les habitats aquatiques abritent un amalgame complexe de prédateurs, de proies, de compétiteurs et de pathogènes, dont les interactions peuvent limiter notre capacité à prédire les réponses des communautés et des espèces aux polluants.

Ainsi, les recherches collectives publiées dans ce numéro spécial soulignent également l’importance de comprendre les réponses écologiques dans les communautés multiespèces en milieu naturel pour évaluer les réponses de la vie en eau douce aux impacts humains.

Globalement, nous devrions développer des applications et des technologies alternatives plus durables et plus efficaces.

Nous devons également établir des directives de qualité de l’eau plus appropriées pour améliorer les contrôles des sels entrant dans nos environnements d’eau douce afin de réduire les effets nocifs sur la vie aquatique et la qualité de nos ressources en eau douce.

Alison Derry, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal (UQAM); Miguel Cañedo-Argüelles, Profesor lector en Ecología, Universitat de Barcelona, and Stephanie J Melles, Associate Professor, Spatial Ecology, Toronto Metropolitan University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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