Face aux risques qu’il représente pour l’environnement et la santé, le gaz ne devrait plus être installé dans les nouveaux bâtiments, croient 14 organismes qui s’unissent dans la coalition Sortons le gaz!
Il y a déjà de l’eau dans le gaz entre Énergir et Sortons le gaz!, qui accuse la compagnie de faire miroiter un objectif irréaliste en transition énergétique. En effet, Énergir a annoncé lundi vouloir que chaque nouveau bâtiment raccordé à son réseau soit alimenté à 100% au gaz naturel renouvelable (GNR).
Or, la coalition analyse que cet objectif est intenable sur le long terme, car pour l’instant, le GNR ne représenterait qu’un pourcentage dérisoire du total de la consommation de gaz. Mais les organismes et les experts s’alarment surtout que la production de GNR soit limitée. Si Énergir passe au GNR à 100%, il faudrait faire plus de gaspillage alimentaire ou encore couper des arbres pour faire de la biomasse, constatent-ils.
À l’échelle montréalaise, nombre d’organismes, qui font désormais partie de cette coalition, sont intervenus pour couper le gaz auprès de la Commission municipale sur l’eau, l’environnement, le développement et les grands parcs. Apparemment convaincue, la Commission a recommandé en février à Montréal d’interdire le raccordement au réseau gazier des nouveaux bâtiments. La coalition veut désormais s’attaquer aux municipalités et, ultimement, au gouvernement du Québec.
L’objectif de 5% de GNR dans son réseau que s’est fixé Énergir devrait être utilisé pour d’autres domaines, vu la rareté de cette ressource, avance le professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM Éric Pineault. Il pense que le GNR «doit être réservé aux industries critiques qui en ont besoin» pour réussir leur transition énergétique. «Le chauffage des bâtiments peut se faire autrement», ajoute-t-il.
Risques pour l’environnement et la santé
«Brancher de nouveaux clients au GNR est irresponsable», a déclaré le professeur Pineault en conférence de presse. L’impossibilité de faire du GNR la principale source de gaz au Québec inquiète les organismes quant aux options qui seront offertes aux clients s’il en manque. De plus, le gaz dans les logements représente un risque pour la santé, rappelle l’Association québécoise des médecins en environnement (AQME).
«Les gazinières sont toxiques», affirme l’urgentologue et membre de l’AQME Éric Notebaert. Son organisme a répertorié plusieurs problèmes pour les enfants, dont une aggravation de l’asthme. «C’est comme être exposé à un fumeur», s’inquiète le Dr Notebaert, alors que l’AQME s’oppose à cette filière depuis des années.
Le gaz est nocif pour l’environnement, souligne Sortons le gaz!, chiffres à l’appui. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au gaz représentent 7% du total québécois et 63% des émissions du secteur des bâtiments. Pourtant, seulement 15% de l’énergie consommée par les bâtiments québécois provient du gaz.
De plus, le gaz consommé au Québec est extrait, en grande majorité, par fracturation, une technique pourtant interdite dans la province. Cette technique est controversée et a de nombreuses conséquences, dont la contamination de l’eau, la survenance de séismes et la santé des populations, souligne la coalition sur son site internet.
Les problèmes liés à la santé des populations voisines des lieux de fracturation hydraulique sont nombreux, surtout parmi les enfants, relève Éric Notebaert. L’industrie de la fracturation est aussi celle avec le plus d’accidents de travail, note-t-il.
Premières actions
En plus d’unir plusieurs organismes en environnement, dont Greenpeace, la Fondation David Suzuki, Équiterre, des organismes citoyens et le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Sortons le gaz! propose des actions concrètes aux citoyens et aux municipalités qui souhaitent s’attaquer spécifiquement au gaz.
Les citoyens québécois peuvent se rendre sur le site et signer un engagement de ne pas choisir le gaz comme source d’énergie. L’objectif est de recouvrir une carte du Québec, avec un pictogramme pour tous les citoyens engagés contre le gaz. Le site web propose également à chaque citoyen d’écrire à sa municipalité pour réclamer l’interdiction du gaz dans les nouveaux bâtiments.
La coalition propose aussi de l’aide aux municipalités qui souhaiteraient aller de l’avant, et adopter des résolutions comme celle que Montréal envisage. Les organismes ont préparé une résolution prête à être utilisée et un modèle juridique clés en main pour les villes et villages qui souhaiteraient s’engager. Ceux qui le feront seront aussi représentés par un pictogramme sur cette carte du Québec.