En dix ans, Chris Bergeron a brisé plusieurs codes. De rédactrice en chef du Voir à vice-présidente chez Cossette, portrait d’une femme engagée qui ne craint plus de s’assumer.
Même dans un appel visioconférence, l’assurance et le charisme de Chris Bergeron percent l’écran.
Or, il n’en a pas toujours été ainsi pour elle: lors de la dernière décennie, Chris a amorcé une transition féminine alors qu’elle avait franchi le cap de la quarantaine.
«Les gens sont conscients que les femmes trans sont des femmes, alors qu’il y a dix ans ce n’était pas le cas du tout, explique l’autrice et conférencière. J’étais beaucoup plus vue comme un imposteur qu’une femme.» Que ça nous plaise ou non, la société ne comprenait effectivement pas (ou moins) ce qu’une transition de genre signifiait.
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Chris confie qu’elle a dû sacrifier sa carrière en journalisme lorsqu’elle a commencé à s’habiller de manière plus féminine. On la percevait uniquement comme une personne excentrique, alors qu’elle avait pourtant été rédactrice en chef du Voir et avait fait ses classes à La Presse et Radio-Canada.
«J’essayais d’obtenir des emplois dans les quotidiens, mais ça ne fonctionnait pas, témoigne-t-elle. Dans ce temps-là, on était avant les programmes d’embauche pour la diversité.»
Ce n’est que lorsqu’elle se joint à la boîte de pub Cossette en 2014 qu’elle s’affirme enfin comme femme dans un contexte professionnel alors que la présidente de l’agence la présente sous son vrai genre.
Elle entame alors une thérapie hormonale et a recours à un soutien psychologique pour amorcer sa transition.
Mais avec l’acceptation de sa féminité vient aussi la perte d’anciens privilèges masculins. «Je me suis rendu compte que dans les réunions très masculines, on m’écoutait moins. J’avais moins la possibilité de prendre la parole. Je n’avais pas l’habitude», se remémore-t-elle.
Au service de l’inclusion
Cette prise de conscience l’accompagne d’ailleurs aujourd’hui dans ses fonctions comme vice-présidente en créativité inclusive.
Elle offre autant des conseils en écriture inclusive à sa clientèle qu’elle veille à ce que la distribution des tournages commerciaux soit diversifiée.
C’est dire que les choses changent. Chris se réjouit d’ailleurs que la publicité devienne de plus en plus féministe et inclusive.
«On fait très attention. On n’est plus dans la notion de la féminité qui fait rire, indique-t-elle. Moi, quand j’étais jeune, je voyais monsieur B, mais qui était habillé en femme pour faire rire. Aujourd’hui, on ne ferait plus ça.»
Elle souligne que le leadership féminin amène des réflexions différentes et une sensibilité toute particulière à propos des enjeux de la diversité.
Pourquoi? Parce que les femmes ont tendance à rencontrer plus de défis professionnels et sont souvent moins avantagées que leurs collègues masculins, croit-elle.
Mais Chris croit que les femmes de tête ne doivent pas devenir des femmes… de maux de tête.
«Ça ne devrait pas être une seule personne qui a le poids du monde sur ses épaules, dit-elle. La vie des femmes de tête devrait être plus légère: une femme de tête, c’est une femme qui a assez de tête pour faire ce dont elle a envie et non qui doit se battre ou faire exploser des plafonds de verre à tout prix.»
«Pour le moment, je dirais que je suis une femme de maux de tête, poursuit-elle, mais éventuellement j’espère qu’on me verra comme une femme de tête.»
En tout cas, nul doute que Chris a le profil de l’emploi et c’est pourquoi on tenait à ce qu’elle se joigne à notre #10yearschallenge spécial femmes de tête.