Nidia Silva, 78 ans, a toujours voulu nager avec des dauphins. Un rêve (quasiment) devenu réalité grâce aux lunettes de réalité virtuelle que lui a fait essayer une association de Miami luttant par ce moyen contre la dépression et l’isolement des personnes âgées.
«C’est un monde inconnu, mais très beau», décrit avec enthousiasme la septuagénaire, qui dit avoir l’impression de se prélasser dans les eaux de Cuba, d’où elle a émigré il y a une vingtaine d’années.
Cette opportunité lui a été offerte par une Française, Alexandra Ivanovitch, venue expérimenter ses lunettes de réalité virtuelle dans un parc du quartier de Little Havana, où de nombreux retraités cubains aiment venir jouer aux dominos.
Son projet, baptisé «VR Genie», est destiné à lutter contre l’isolement auquel les personnes âgées doivent souvent faire face, notamment celles vivant seules ou dans des maisons de retraite offrant peu d’activités.
«Nous utilisons la réalité virtuelle pour exaucer leurs souhaits», explique la Parisienne de 35 ans, docteure en sciences humaines du numérique.
Des bars de La Havane aux plus hauts sommets du monde, la technique leur permet d’oublier l’espace de quelques minutes la touffeur de l’été floridien pour s’échapper vers des contrées souvent inconnues.
«Nous mettons le monde à leur portée», souligne Alexandra Ivanovitch, alors que beaucoup des personnes âgées auprès desquelles elle travaille n’ont plus les capacités physiques ou financières de parcourir la planète.
Proposé par l’association à but non lucratif Equality Lab, le projet «VR Genie» est financé par les autorités locales. L’objectif est de fournir des lunettes de réalité virtuelle aux maisons de retraite du comté, dès que la Française aura davantage étoffé sa «bibliothèque à rêves».
«Très relaxant»
Des études scientifiques ont récemment montré que la réalité virtuelle pouvait aider à combattre la dépression, l’anxiété, le stress post-traumatique et autres problèmes psychologiques.
«Nous savons que l’imagerie mentale ou la méditation peuvent avoir des bénéfices en matière de cognition et d’autres choses de cette nature», indique Aldrich Chan, neuropsychologue à l’université de Miami.
Consultant pour Equality Lab, le scientifique analyse les bénéfices potentiels de la réalité virtuelle dans l’accompagnement des personnes âgées, notamment le fait de réaliser virtuellement leurs derniers rêves.
Une équipe de l’université de Californie à Los Angeles étudie l’usage de la réalité virtuelle dans le traitement de l’anhédonie, un symptôme de la dépression empêchant les personnes qui en sont atteintes de ressentir des émotions positives dans un certain nombre de situations.
La psychiatre Michelle Craske et ses collègues s’emploient à traiter l’anhédonie et à améliorer le bien-être des patients à travers la méditation et les expériences positives vécues dans la réalité virtuelle.
«La plupart des traitements ont jusqu’ici contribué dans une certaine mesure à réduire les symptômes négatifs de la dépression, sans toutefois vraiment aider les patients à devenir plus positifs», relevait en avril la chercheuse dans la revue scientifique STAT.
Selon une étude publiée cette année par Michelle Craske dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology, les patients ayant vécu des expériences positives, grâce notamment à la réalité virtuelle, montraient des niveaux inférieurs de dépression, d’angoisse et de stress que ceux traités par la méthode traditionnelle, centrée sur les symptômes négatifs.
Dans le parc de Little Havana, Nidia Silva, ses lunettes sur les yeux, brasse doucement l’air de ses mains, caressant des dauphins imaginaires.
«C’est formidable!», s’exclame-t-elle, imperméable aux parties de dominos qui se jouent autour d’elle. «Vous êtes transporté dans un autre monde, c’est très relaxant».