Une des choses étranges à propos de l’humain, c’est qu’en plus d’avoir des sentiments, il ressent des choses à propos de ses sentiments.
Je peux me sentir triste ou anxieux, mais je peux aussi être anxieux d’être triste, ou déprimé par mon anxiété. Autrement dit, loin de se contenter d’agir, notre cerveau réfléchit à ses actions.
Quelles sont les fonctions du cerveau? Il agit, il pense et il ressent. La plupart du temps, il fait tout ça sur le pilote automatique, mais il est aussi pourvu d’un gestionnaire qui surveille tous nos actes, toutes nos pensées et tous nos sentiments. Ce gestionnaire joue le rôle d’un entraîneur qui nous donne de la rétroaction et nous aide à améliorer les choses.
Ces deux parties de notre cerveau doivent fonctionner de concert. Beaucoup de nos actes peuvent être accomplis automatiquement. Lorsqu’un autobus fonce vers nous ou que notre adversaire au tennis nous attaque sur le revers, nous devons réagir rapidement et n’avons pas beaucoup de temps pour l’analyse.
Mais nous devons aussi pouvoir réfléchir à nos actes et planifier. Pratiquer notre revers nous préparera à la prochaine fois où nous aurons à agir sans avoir le temps de réfléchir.
Les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale peuvent avoir deux types de troubles : parfois, le problème se situe sur le plan de leurs sentiments proprement dits, et parfois, il réside plutôt dans sentiments qu’ils ont à propos de leurs sentiments. En d’autres mots, devant un problème comme l’anxiété ou la dépression, le «gestionnaire» se demande ce qui se passe et pose un jugement.
«Qu’est-ce qui ne va pas chez moi?» Voilà une question que nous nous posons tous à l’occasion. C’est une question nécessaire, qui nous aide à améliorer notre vie, mais qui ne nous procure jamais un sentiment de bien-être. Parce que, pour la poser, il faut présumer qu’il existe un problème. C’est là le hic. Les gens peuvent être légèrement déprimés ou anxieux pour diverses raisons légitimes et relativement mineures. Mais s’ils se mettent à analyser leurs émotions, ils peuvent devenir préoccupés. Et cette préoccupation viendra s’ajouter à leur anxiété ou à leur déprime originale pour l’amplifier.
Ce peut être le début d’un cercle vicieux. Si je suis un peu déprimé en raison du stress que je subis au travail ou à la maison, je peux prendre des mesures pour y remédier. Mais si je commence à craindre le déséquilibre mental, alors mes préoccupations à propos de mon état d’esprit m’entraîneront dans une spirale descendante.
Nos problèmes sont déjà assez pénibles; nous n’avons pas besoin d’un «entraîneur» qui nous dit constamment que nous ne sommes pas à la hauteur. Il faut écouter les bons entraîneurs, et savoir reconnaître le moment où le nôtre se révèle trop critique. Lorsque ça se produit, il vaut mieux faire comme s’il n’existait pas.